samedi 20 octobre 2012

Dora d'Ignacio Minaverry


J'avoue avoir acheté "Dora" par hasard, simplement attiré par la couverture assez réussie de cette jeune fille très années cinquante, lointaine cousine d'Aggie en plus graphique. Quand on retourne l'album, très bel objet sur beau papier, la quatrième de couverture n'offre qu'une seule phrase, à la fois étrange et énigmatique mais terriblement véridique  : "Traquer les nazis, c'est comme chasser les fantômes avec un filet à papillons." Et là je dis "Bravo", car cela évoque exactement ce que l'on trouve dans ce roman graphique, un mélange de dureté (nazis), de légèreté (filet à papillons) et de mystère (fantômes).
A partir d'une vision sombre du début des années 60, période confrontée à ce passé nazi qui hantent toutes les têtes en Allemagne et à cette guerre d'Algérie qui gangrène la France, nous suivons Dora, jeune fille juive dont le père a péri dans un camp de concentration et qui, de rencontres en rencontres, va se retrouver en Argentine à traquer Mengele, le célèbre médecin nazi d'Auschwitz.
Cette histoire, ultra documentée, très forte symboliquement, est aussi l'occasion de mêler la petite histoire dans la grande. Si les rappels historiques sont nombreux et précis dans cet album, c'est aussi un roman d'initiation, le passage à l'âge adulte d'une jeune fille, découvrant la face sombre de l'humanité mais s'interrogeant aussi sur ses origines et sur sa sexualité balbutiante. Beaucoup d'autres l'ont fait avant Ignacio Minaverry, mais ici, il y a un plus : la beauté et l'originalité graphique de l'ensemble qui confine presque à l'oeuvre d'art.
J'ai vraiment été emballé par les illustrations  et la mise en page de cette histoire. Ce noir et blanc très graphique est magnifique, un régal pour les yeux, jamais gratuit. Quelques cases suffisent à planter une ambiance, magie de cadrages originaux et subtils, même dans les passages plus didactiques (et il y en a quelques uns). C'est admirablement maîtrisé, autant dans la forme que dans le fond. A la fois roman historique sur l'après-guerre et étude psychologique sur une jeune fille en apprentissage de la vie, "Dora" est une merveilleuse découverte.
Si la fin m'a un peu surpris, j'ai finalement été soulagé de m'apercevoir que l'histoire n'est pas terminée, que d'autres volumes sortiront bientôt (combien ?). Une chose est sûre, je ne les manquerai pour rien au monde.
Ah ! un petit détail pour terminer. Quand on regarde la couverture de cet album, tout y est très féminin : le titre, l'illustration et même le nom de l'auteur : Minaverry. J'ai réellement pensé, même en lisant, que cet auteur était une femme. Ce n'est qu'à la fin que j'ai découvert sur le rabat, qu'en fait c'était un homme.... Cette ambiguité, en cachant le prénom de l'auteur,  est-elle voulue par l'éditeur ? En tous les cas, elle fait formidablement écho à l'héroïne de cette histoire, qui, elle aussi, cultive une sexualité un peu flottante, lui donnant un charme supplémentaire.


Pour avoir une idée des illustrations suivez ce lien : next

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire