jeudi 29 novembre 2012

Mauvaise fille de Patrick Mille


Que dire de cette chose ? Y'a rien à dire puisqu'il n'y a rien dans ce film.
Une mère cancéreuse est à l'hôpital. Sa fille tombe enceinte tout en buvant du Ricard. Maman meurt. le bébé naît. Voilà, je suis désolé, j'ai tout raconté ! Y'a plus de suspense, j'ai même dévoilé la fin. Ce n'est pas grave car, si par malheur vous allez voir ce film, vous sortirez avant ce dénouement incroyable. Mais vous n'irez pas voir ce navet ou alors vous tenez absolument à engraisser "la grande famille du cinéma"et verser votre obole à tous ces fils et filles de qui brillent au générique. Il y a même un Barouh pour les décors et un Morali pour la musique, les fils de Pierre (Barouh, chanteur) et de Jacques (Morali, producteur des Village People) surement... Et puis, il y a Izia Higelin dont la promo nous serine que c'est la révélation de l'année. Mouais, elle a un peu d'autorité à l'écran mais elle a encore pas mal de progrès à faire surtout dans l'émotion. Et difficile de briller dans un film vain, mal fichu, mal réalisé et qui devient très vite insupportable.
Si vous envie de voir Bob Geldolf se promener avec un énorme nounours beige, Carole Bouquet jouer avec une perruque, Izia Higelin cajoler un bébé Corolle dans une maternité (c'est sensé être un vrai bébé...) et Patrice Pelloux faire une apparition, allez-y. C'est chic mais surtout toc. On s'ennuie énormément devant ces bobos suffisants et têtes à claques. Il n'y a rien à sauver là dedans sauf peut être deux ou trois regards expressifs de Carole Bouquet...donc 12 secondes de film !



lundi 26 novembre 2012

La vérité sur l'affaire Harry Québert de Joël Dicker

Je me suis rué sur "La vérité sur l'affaire Harry Quebert" de Joël Dicker, appâté par le Goncourt des lycéens qui depuis quelques années se trompent rarement dans leurs choix et fortement poussé par mes libraires préférés qui me promettaient une nuit blanche à la lecture de ce qui fait figure cette rentrée d'événement.
Après avoir lu, j'ai bien dit lu et pas dévoré, les quelques 650 pages de ce polar, je peux dire que Marc Lévy et Katherine Pancol ont du mouron à se faire, un jeune auteur suisse vient jouer dans leur cour pourtant soigneusement gardée. Bienvenue au pays de Candy en Amérique, car, à mon avis, ça se situe à ce niveau là, du côté du roman facile à lire pour lecteur peu exigeant. Joël Dicker est un romancier ( qui a encore des progrès à faire pour arriver au niveau des précédemment nommés) pas un écrivain et cela se sent dès les premières pages. Phrases courtes, rapides directes, sans fioritures, dialogues simplistes et frôlant le minimum syndical, le tout au service d'une histoire pas tellement originale mais bien tarabiscotée jusqu'à l'invraisemblance.
Nous avons Marcus, jeune romancier à succès, en panne d'inspiration, qui va demander conseil à son ami Harry Quebert, écrivain culte dont le deuxième livre "Les origines  du mal" figure au programme de toutes les universités US. Mais voila que l'on va trouver dans le jardin d'Harry les ossements d'une jeune fille prénommée Nola et disparue trente-trois ans plus tôt. Harry sera accusé du meurtre de celle qui fut l'amour de sa vie. Marcus ne croyant pas à la culpabilité de son mentor mènera l'enquête pour l'innocenter et du coup retrouvera l'inspiration.
C'est un polar qu'a couronné l'Académie Française et elle ne doit pas être grande lectrice du genre pour avoir été épatée par celui-ci. L'intrigue de départ n'est pas originale mais durant 400 pages les rebondissements s'enchaînent sans faillir. Un joyeux mélange de quiproquos, de clichés, de retournements, de révélations, de mystères tissés allègrement mais sans talent particulier que celui de l'accumulation, retiennent le lecteur. Plaisant au début, l'indigestion gagne très vite car l'intrigue n'est jamais soutenue par l'écriture qui peine à donner un semblant de profondeur à des personnages grossièrement stéréotypés. Le plus pénible restent les 250 dernières pages qui s'essoufflent à détricoter les 400 précédentes en explications de plus en plus lourdingues, pour finir par aboutir à un dénouement fort décevant (mais arrivé à ce stade, je ne m'attendais à rien de bien extraordinaire).
Je ne résiste pas au plaisir de vous donner à lire un peu de la prose de Joël Dicker. C'est une des scènes les plus torrides du livre. Harry est en vacances sur une île paradisiaque avec l'amour de sa vie, Nola. C'est le point culminant de leur passion.
"Ils passèrent une barrière de rochers et arrivèrent à une crique isolée. Là, ils pouvaient s'aimer.
-Prenez-moi dans vos bras, Harry chéri, lui dit-elle lorsqu'ils furent protégés des regards.
Il l'enlaça et elle s'accrocha à son cou, fort. Puis ils plongèrent dans l'océan et s'éclaboussèrent gaiement, avant d'aller se sécher au soleil, allongés sur les grands linges blancs de l'hôtel. Elle posa sa tête sur son torse.
-Je vous aime, Harry... Je vous aime comme je n'ai jamais aimé.
Ils se sourirent. 
-Ce sont les plus belles vacances de ma vie, dit Harry.
Le visage de Nola s'illumina :
- Faisons des photos ! Faisons des photos, comme ça nous n'oublierons jamais ! Avez-vous pris l'appareil ?
Il sortit l'appareil de son sac et le lui donna. Elle se colla contre lui et tint le boîtier à bout de bras, dirigeant l'objectif vers eux, et prit une photo. Juste avant d'appuyer sur le déclencheur, elle tourna la tête et l'embrassa longuement sur la joue. Ils rirent.
- Je pense que cette photo sera très bonne, dit-elle. Surtout, gardez-la toute votre vie.
-Toute ma vie. Cette photo ne me quittera jamais. "
C'est beau, non ? Vous aimez ? Alors foncez acheter le livre, tout est du même acabit.
Vous trouvez que ça ressemble à de l'Harlequin en moins bien ? Vous avez raison et vous flairez déjà le coup marketing formidablement bien orchestré.
Personnellement, je ne comprends pas cet engouement pour ce polar mal fichu et pitoyablement invraisemblable. Les personnages sont inconsistants, proches de la caricature et l'écriture encore très adolescente. Reste une construction efficace au début, en trompe l'oeil, jouant de façon roublarde avec les codes du polar et se donnant des allures de réflexion sur la littérature. Mais à ce jeu, on se lasse vite car c'est totalement vain. Il vaut mieux relire (heu lire pour ceux qui aiment ce livre) Agatha Christie pour les intrigues et Michaël Connolly (pour ne citer que le premier qui me passe par la tête) pour la construction efficace d'un polar.
Qu'est-ce que je pourrai sauver de ce gros petit roman ? Deux choses peut être... la critique assez corrosive et jouissive du monde de l'édition (qui pousse à penser que certaines de ses recettes ont été appliquées à ce livre...quand je parlais de roublardise...) et la couverture totalement raccord avec l'Expo du moment au Grand Palais (Edward Hopper). Sinon, pour une fois, préférez le Goncourt ou le Fémina  
qui ont couronné des oeuvres ambitieuses de vrais écrivains.


dimanche 25 novembre 2012

Populaire de Régis Roinsard


"Populaire" ! Tout est résumé dans le titre. C'est un film populaire dans tous les bons sens du terme, un film simple, que l'on prend plaisir à regarder et dont on ressort de bonne humeur. Autour d'un thème classique de la comédie sentimentale : il est célibataire, pas très sympa mais avec un charme certain, elle est jolie, pétillante, pas cruche et pas facile, ils vont petit à petit se découvrir des sentiments l'un pour l'autre, "Populaire" est une jolie friandise à déguster les yeux fermés (heu, gardez les yeux ouverts, c'est du cinéma quand même !).
Situé à la fin des années 50, ce premier film de Régis Roinsard est un joli hommage au cinéma de cette époque, Stanley Donen, Billy Wilder, Blake Edwards et même Alfred Hitchcock, avec des couleurs à la Jacques Demy. Son couple vedette est parfait. Romain Duris, très à l'aise dans le rôle du patron célibataire, plus obsédé par les compétences dactylographiques de sa secrétaire que par son physique, prouve qu'il a du flair pour dégotter les bonnes comédies (comme "L'arnacoeur") et qu'il se pose désormais comme une sorte de Cary Grant français. Déborah François, à la fois piquante et gaffeuse, est étonnante de fraîcheur et de charme. Découverte par les frères Dardenne, elle explose ici dans un genre où l'on ne l'avait pas encore vraiment vu.
On suit cette aventure vintage au pays des championnats de frappe à la machine à écrire avec un plaisir évident. Le scénario, classique mais efficace, qui n'oublie pas de prévoir des seconds rôles intéressants, n'est jamais trahi par la mise en scène, rythmée et bondissante. Et comme le jeune metteur en scène a eu la chance d'avoir les moyens financiers pour une reconstitution d'époque de qualité, le plaisir est total. 
"Populaire" est, dans son genre, une réussite qu'il serait idiot de bouder. Les films malicieux et sympathiques sont des denrées rares de nos jours. C'est, pour moi, la comédie de l'hiver qui saura vous redonner le sourire.



vendredi 23 novembre 2012

Thérèse Desqueyroux de Claude Miller


Adapter François Mauriac en 2012 n'est pas chose courante, ses romans étant un peu tombés dans l'oubli. On peut penser que les thèmes développés dans "Thérèse Desqueyroux" sont un peu démodés, que les histoires de riches propriétaires terriens et des états d'âmes d'une bourgeoise très provinciale sont d'une autre époque. C'est oublié un peu vite que l'âme humaine, quelque soit les époques ou les lieux ne change guère. 
Ici, nous sommes dans les années 20, au fin fond des Landes, là où les pins forment une immensité déprimante pour quelqu'un que la sylviculture ne passionne pas. Thérèse, héritière de nombreuses hectares de résineux, s'unit en même temps que ses arbres à Bernard, lui aussi possesseur d'innombrables hectares de pins. Mariage de raison qui bien vite tourne à l'aigre. Autant Thérèse peut être originale et sensible à la culture (par les livres) que Bernard est lourd, vaguement antisémite et surtout profondément ancré dans les traditions d'une bourgeoisie confinée. Se sentant de plus en plus prisonnière, elle ira jusqu'à essayer d'empoisonner son mari.
Comme dans le roman de François Mauriac, le film est le récit d'une libération, le portrait ambigüe mais féministe d'une femme dont on a un peu de mal à partager tous les sentiments. Audrey Tautou est parfaite dans ce rôle, à la fois, coupante, glaciale et calculatrice mais aussi perdue, révoltée ou anéantie. Parfaite comme le reste de la distribution, comme la reconstitution d'époque et comme les costumes auxquels il ne manque aucun bouton. Et c'est peut être là que le film de Claude Miller pêche un peu. Il est est trop joli, l'image est trop belle. Les pins sous le soleil brulant de l'été, le lac aux eaux claires sur lequel vogue un bateau aux voiles rouges... On se croirait dans un dépliant touristique. C'est agréable à l'oeil mais à aucun moment on ne sent la résine, la terre, et surtout cet ennui énorme de vivre à l'année au milieu des pins, loin de tout. Chez Mauriac, on ressentait cette chape de silence et la tristesse d'un hiver, entouré de troncs noirs et sinistres à perte de vue, semblables aux barreaux d'une prison. On comprenait que Thérèse, qui avait connu lors de ses études la grande ville et ses attraits, voyait sa vie prendre un chemin pas vraiment conforme à ses rêves.
Ce sont ces sensations qui manquent à ce film trop léché et trop sage pour être réellement convaincant. Reste un joli portrait de femme, comme les a souvent montrées Claude Miller, volontaires et tournées vers la conquête d'une certaine liberté. Message important dans une période qui risque de reprendre quelques acquits durement gagnés.



jeudi 22 novembre 2012

Deux généraux de Scott Chantler


C'est une histoire vraie d'amitié et de guerre. L'amitié entre deux jeunes lieutenants, Law Chantler (le grand-père de l'auteur) et de Jack Chrisley qui se sont enrôlés en 1943 dans la Highland Light Infantry et qui seront envoyés en France pour chasser l'occupant nazi en juin 1944. Nous allons suivre leur préparation sous les cieux pluvieux anglais, puis lors du débarquement et des terribles combats qui ont suivi. L'un des deux y laissera la vie. Le survivant  vivra le restant de sa vie avec le souvenir de cette perte.
En plus de l'histoire de cette amitié, "Deux généraux" raconte surtout le tribut qu'ont payé les troupes canadiennes lors de la libération de l'Europe des troupes allemandes. "...Tout comme nos ainés nous relaient les histoires comme celle-ci, il nous revient de les relayer à notre tour." dit l'auteur vers la fin de l'album. Devoir de mémoire donc, mais surtout un album absolument magnifique dans tous les sens du terme.
D'abord, c'est un très bel objet que nous offrent les éditions canadiennes "La pastèque". Beau papier, jaquette assortie, on a l'impression d'avoir entre les mains une parution en littérature générale. Quand on l'ouvre, on découvre une BD ligne claire d'une pureté graphique et d'une beauté qui m'a littéralement soufflé. D'accord, j'aime la bande dessinée classique, mais ici, c'est vraiment du grand art. Chaque petite case est belle, remarquablement cadrée, expressive. Peu de couleurs mais des tons kakis (pour l'aspect militaire) avec des explosions de rouge dans les moments de tension qui pourraient paraître redondants mais qui en fait accompagnent parfaitement le récit. Le reste est à l'avenant. La construction de l'histoire, en flash-back, l'émotion permanente qui s'en dégage, l'évocation réaliste de ce moment historique mais bourrée d'anecdotes drôles voire poétiques (Ah! la case en ombre chinoise de cette armée canadienne avançant vers l'ennemi accompagnée de vaches, de chèvres et de cochons, recueillis parce qu'abandonnés !) font de ce roman graphique une vraie réussite.
C'est intelligent, sensible, didactique, teinté d'un humour léger et un peu décalé et absolument incontournable. Ce splendide hommages à ces hommes qui ont donné leur vie pour défendre la liberté devrait être un des cadeaux évidents pour cette fin d'année. Pour ma part, je file rechercher si d'autres albums de Scott Chantler ont été traduits...






mercredi 21 novembre 2012

Simon Weber de Jean Mattern


Simon Weber est un jeune homme de 19 ans. Ayant perdu sa mère à l'âge de 12 ans, il vit à Paris avec son père qui a sacrifié sa vie pour la réussite de son fils. Appartement dans le secteur des bons lycées, visites de toutes les expos, abonnement au théâtre des Champs Elysées, rien n'a été laissé au hasard pour lui offrir le plus bel avenir possible. Simon est en première année de médecine lorsque, pris de violentes migraines, on lui découvre une tumeur au cerveau. Après un premier traitement chimiothérapique de choc et avant de connaître l'évolution exacte de sa maladie, il décide de partir quelques mois à Jérusalem chez un jeune écrivain rencontré fortuitement lors de l'annonce de son cancer.
A lire ce résumé, on pourrait s'attendre à un de ces nombreux témoignages sur le parcours terriblement éprouvant d'un cancéreux doublé d'une réflexion sur l'état d'Israël, sa politique et sa ferveur religieuse. Hé bien, pas tout à fait ! Même si ces deux thèmes sont présents en tant que toile de fond ou ressort dramatique, ils servent surtout à Jean Mattern, l'auteur, à explorer la ronde trouble et troublantes de ses personnages. Quels sont les liens exacts qui les unissent ? Un drôle de jeu va s'enclencher en Israël lorsque le père de Simon va venir y passer quelques jours, avec au bout quelques petites surprises sur les sentiments profonds de chacun.
L'écriture très maîtrisée de ce roman laisse la place à une palette d'interprétations, surprenant de plus en plus le lecteur qui se trouve embarqué dans un terrain qu'il n'avait pas imaginé au départ.
La peur , le désir, les secrets du passé, la sexualité, la transmission, la filiation, autant de thèmes abordés dans cette histoire qui sait saisir le lecteur sans jamais le lâcher. Une fois refermé, on reste toutefois un peu surpris par cette fin ouverte qui laisse le lecteur avec ses questions... D'habitude je suis assez client de ce genre de sortie, ici j'aurai bien aimé rester un peu plus longtemps avec ces personnages...


mardi 20 novembre 2012

Choisis quelque chose, mais dépêche-toi ! de Nadia Budde


Derrière ce joli titre  "Choisis quelque chose, mais dépêche-toi !" (tout un programme!), se cache, vous l'aurez deviné, des souvenirs d'enfance. Ceux-ci ont la particularité de se dérouler en Allemagne de l'Est dans les années 80 et, le moins que l'on puisse dire c'est qu'ils ressemblent pas mal aux miens mais dans les années 60...
Nadia Budde, l'auteur, y évoque toutes ces petites choses apparemment anodines qui, rétrospectivement, donnent du relief et un parfum particulier à toutes les enfances. C'est plein de fraîcheur, de poésie et d'humour.
Cependant, cet album est difficile à définir. Pas vraiment un roman graphique malgré son format et sa longueur, il ressemble plus par sa mise en page à un album pour enfant. D'ailleurs, sa collection de prix en Allemagne, c'est dans la catégorie jeunesse qu'il les a obtenus. En prenant le point de vue d'un jeune lecteur, on peut le trouver charmant mais pas forcément original. Car du côté du thème des souvenirs d'enfance, il existe depuis plusieurs années une parution pléthorique d'albums venus du monde entier. Et celui-ci fait irrémédiablement penser à la série "Marzi" de Sylvain Savoia et Marzena Sowa qui traite du même sujet dans un pays voisin, la Pologne, mais en moins fouillé.
Même si mes préférences vont vraiment du côté de la petite polonaise, cette jolie parution des éditions de l'Agrume reste un album malicieux et agréable à lire, à partir de 10 ans.
Vendredi 23 novembre : le salon du livre jeunesse de Montreuil vient de décerner un prix à cet album.

Vous pouvez lire quelques planches sur le site de l'agrume ICI

dimanche 18 novembre 2012

Après mai d'Olivier Assayas


"Après mai" est un drôle de film. Evocation d'une jeunesse aux prises avec une époque portée sur la lutte et le combat politique, la découverte de spiritualités lointaines mais aussi des drogues diverses et variées, il semble s'être donné comme ambition première de gommer tous les clichés de l'époque. Jolie idée, mais ce parti-pris tient-il la route ?
Avec une mise en scène virtuose, Olivier Assayas réalise un film baigné d'une lumière estivale qui colle parfaitement au désir d'un monde meilleur auquel croient tous les jeunes héros de son dernier long métrage. Mais loin d'être un énième parcours initiatique, "Après mai" essaie de restituer le parfum de ces années libertaires, cette sensation que tout était possible, sans rien appuyer ni démonter. C'est au spectateur de se laisser emporter par les images et les situations.
Il n'y a pas vraiment d'histoire, nous suivons juste quelques jeunes gauchistes sur une assez courte période. Il n'y a pas non plus d'étude psychologique. ces jeunes avancent au gré de leur instinct, se nourrissant de révolte, d'amitiés et d'amours adolescentes évoqués ici sans aucun regard critique. Et malgré les nombreuses scènes de discussions politiques, il n'y a pas non plus de message particulier à retirer de cette reconstitution historique.
Pas d'histoire, pas de psychologie, pas de message mais de l'ennui quand même, car deux heures, c'est long ! Malgré une belle photographie et une reconstitution très soignée et réaliste, le spectateur n'a pas grand chose d'autre pour s'accrocher. Il n'est pas aidé par les comédiens, photogéniques certes, mais au jeu assez approximatif et aux dialogues épurés au maximum.
Pas raté mais pas vraiment passionnant, "Après mai" est toutefois un film au regard original sur un moment très particulier de notre histoire récente. En éliminant tout effet narratif, il perd certains spectateurs en chemin mais pas la critique officielle qui y a vu un pur chef d'oeuvre... Ils ont peut être raison... à vous de juger. Moi, je fais un peu la fine bouche.


samedi 17 novembre 2012

Le poivre d'Olivier Bouillère


Ca démarre plutôt pas mal :  Arcachon, une jolie villa vieillotte au bord du bassin et à l'intérieur trois femmes, cinquantenaires, dont une ancienne star de la chanson et du cinéma, Lorraine Ageval. Un peu dépressive suite à la séparation d'avec son richissime mari pour lequel elle avait interrompu sa carrière quinze ans plus tôt, elle semble sur le point de lâcher prise. Dans une ambiance un poil surannée, nous sommes dans les années 90, le temps s'écoule doucement entre dîners dans les villas voisines et journées interminables sous le soleil estival.
Malgré quelques raccourcis pas très clairs (on ne sait pas toujours qui parle à qui et de quoi), Olivier Bouillère  plante une ambiance évanescente qui correspond bien à la personnalité de son héroïne, chose fragile et vaporeuse, qui erre, chic et distinguée, dans un monde qui lui échappe déjà. Mais voilà qu'apparaissent deux personnages masculins. Le premier est un jeune cinéaste underground qui va faire tourner Lorraine dans un film expérimental voué à l'échec. Le deuxième est un tout jeune homme indolent qui va devenir l'ombre de l'ex star, sa doublure aussi bien lumière que corps. Comme tous les deux sont gays, leurs ébats glauques au bois de Boulogne ou avec des types tordus vont nous être décrits avec précision. Cela n'apporte pas grand chose à l'intrigue. Ca nous rend seulement ces deux personnages vite insupportables, surtout Iohan, le jeune homme, sorte de sex-toy sans affect que l'on trainera jusqu'à la fin. Sont-ils là pour mettre un peu de poivre (du titre) dans cette histoire ? Peut être...
Heureusement, le personnage de Lorraine est plus réussi. Ethérée, à demie vivante, elle va tenter un come-back, portée par sa vieille amie Io, sorte d'attachée de presse sur le retour. Naviguant entre souvenirs de sa gloire passée et futur nébuleux, elle a la grâce de certaines héroïnes de Marguerite Duras mais perdue dans un univers balzacien.
Au final, que penser de ce roman ? A mon avis, à demi réussi, un poil trop long, bizarrement construit comme si on voulait à tout prix faire original, il possède toutefois des qualités d'écriture indéniables. Il parvient à enfermer le lecteur dans une atmosphère cotonneuse comme s'il était sous l'emprise de médicaments pour neurasthénique. C'est particulier, je vous l'accorde, mais suffisamment intrigant pour que je guette avec intérêt le prochain livre d'Olivier Bouillère.


vendredi 16 novembre 2012

Coquillette la mauviette d'Arnaud Cathrine et Florent Marchet



Avis aux amateurs de jolies histoires branchées pour enfants de 5 à 8 ans, "Coquillette la mauviette" vient de paraître aux éditions Actes Sud. Branchée, car écrite par Arnaud Cathrine, une dizaine de romans de qualité pour la jeunesse et mise en musique par son complice de toujours Florent Marchet, le chanteur en vogue vers la consécration (qui, hélas, se fait attendre).
Coquillette la mauviette est un petit garçon différent puisqu'il porte une coquille sur son dos. Cette particularité le met bien évidemment en marge des autres dont il devient le souffre-douleur. Jusqu'au jour où cette excroissance se révélera un atout...
Ce thème de la différence, souvent abordé par Florent Marchet dans ses chansons, est ici traité avec talent et un brin d'humour grinçant bienvenu. Joliment mis en images par Aurélie Guillerey dont les illustrations rappellent celles que l'on pouvait trouver dans les manuels de lecture des années 70, les clins d'oeil en plus, cet album CD, est très agréable à écouter car les auteurs ont fait appel à une pléiade de vedettes pour donner un vrai relief au propos. Julie Depardieu est une narratrice parfaite. Entourée d'Artus de Penguern, Jeanne Cherhal, Mathieu Boogaerts, Valérie Leulliot,.... on voit tout de suite que cette production a fait l'objet d'une attention toute particulière. Et l'on peut dire que le résultat est ultra convaincant. Bien que l'histoire puisse sembler classique, elle passe sans difficulté la rampe, même si l'on n'est pas des familiers de l'univers de ces artistes. Avec sa jolie ambiance musicale, son alternance de narration, de dialogues et de chansons, "Coquillette la mauviette" devrait plaire aux enfants mais aussi à leurs parents. Certains y découvriront peut être l'univers musical de Florent Marchet mais auront aussi l'occasion d'écouter Jeanne Cherhal et Mathieu Boogaerts chanter pour leurs enfants des mélodies inspirées et exemptes de mièvreries. Ainsi dans "Tchernobyl'", on peut entendre ce refrain ; "Que cet enfant est laid, que cet enfant est moche !", paroles dures et non consensuelles qui donnent une claque à toutes ces ritournelles gnangnans que l'on sert habituellement à nos bambins. D'ailleurs les cinq chansons de cet album sont de vrais petits bijoux  qui confirment le talent multiforme de Florent Marchet.
Trouvez-moi, un chanteur français, auteur, compositeur, interprète qui sache aussi bien écrire pour les adultes que pour les enfants ? Il n'y en a pas des wagons (Vincent Delerm avait réussi cette prouesse l'an dernier, chez le même éditeur avec "Léonard a une sensibilité de gauche"). C'est l'une  des bonnes raisons qui font que "Coquillette la mauviette" mérite d'être déposé au pied du sapin, cela divertira différemment et intelligemment nos chers enfants et les éloignera quelque temps de leurs écrans chéris.



mercredi 14 novembre 2012

La chasse de Thomas VInterberg


Thomas Vinterberg dans son film "Festen" en 1998 parlait déjà de pédophilie en nous dressant le portrait effrayant d'un ignoble patriarche. Après quelques films moins remarqués, il revient en fanfare, enfin, disons un peu sur le devant de la scène, avec "La chasse", long métrage présenté à Cannes en sélection officielle et qui a obtenu le prix de la meilleure interprétation masculine pour la prestation tout à fait convaincante de Mads Mikkelsen. Il joue Lucas, un éducateur de jeunes enfants accusé d'exhibition sexuelle par une petite fille. Très vite, il deviendra le bouc émissaire de toute une communauté. Il est totalement innocent, nous le savons et le film nous retrace son calvaire.
Le film démarre bien, avec des scènes d'exposition à la lenteur étudiée qui créent un climat intéressant et posent le problème de la parole de l'enfant avec autorité. Mais très vite, la mécanique s'enraye. Assez manichéen dans sa construction, le film avance avec une succession de scènes qui, prises séparément sont toutes fortes et bien rendues mais, qui, mises bout à bout, forment un tout indigeste parce que sans équivoque et surtout sans surprise. Aucun poncif ne nous est épargné : les pierres lancées dans la maison, l'animal domestique tué, les commerçants qui refusent de servir... A la fin, on n'y croit plus guère malgré une jolie photographie automnale et un acteur magnétique qui mérite sa récompense cannoise.
Cependant, il y a une chose qui a retenu mon attention : le portrait en creux d'une société danoise, loin des idées progressistes que l'on nous renvoie souvent. Repliée sur elle même, très fortement alcoolisée, elle est présentée ici sous son plus mauvais jour. Les hommes sont de gros lourdauds avinés qui sont chasseurs pour prouver que ce sont de vrais mecs et dont les épouses, soumises et compréhensives, acceptent avec douceur tous leurs excès. Vous apprendrez qu'au Danemark, les garçons deviennent de vrais hommes à 16 ans. Ce jour là, on leur offre un fusil (à lunette) pour leur première chasse. Un rituel viking sans doute ...qui ne nous dit pas si pour les filles de 16 ans, on leur offre leur premier livre de cuisine pour qu'elles concoctent leur premier civet... Bien qu'armés, tous ces mâles habitent dans des maisons qui affichent toutes le sigle d'une société de surveillance... Peur de l'autre vraisemblablement mais, point positif, pas d'auto-défense malgré leur artillerie...
Ceci dit, ce n'est hélas pas l'essentiel du film qui sombre assez vite dans la facilité et la caricature du lourdaud ordinaire. Pas facile de vouloir dénoncer l'imbécillité humaine en enfilant les poncifs comme des perles....



dimanche 11 novembre 2012

Augustine d'Alice Winocour


La passion quasi muette d'une bonne illettrée et hystérique prénommée Augustine et du célèbre professeur Charcot a-t-elle un potentiel assez intéressant pour passionner le spectateur ?A cette question ma réponse est oui, si derrière la caméra, il y a un réalisateur talentueux. Et c'est le cas pour "Augustine", le premier film sacrément maîtrisé d' Alice Winocour.
Enfin...le cas,...pas pour tout le monde si j'en juge par les réactions ennuyées des personnes assises derrière moi. Soupirs, discussions, "c'est long" ont accompagné la projection jusqu'à ce qu'un spectateur excédé leur intime de se taire en arguant que le film était moins bavard qu'eux mais bien plus intéressant.
C'est vrai "Augustine" n'est pas vraiment facile d'accès. Ce parti-pris de raconter cette histoire en peu de mots et en cadrant ostensiblement les acteurs au format portrait peut dérouter. Mais une fois que l'on est entré dans l'histoire, qu'est-ce que c'est efficace ! Chaque regard, chaque frémissement nous dispense de tout bavardage redondant. L'image, magnifique, joue avec la lumière du jour qui arrive à s'insinuer dans la pénombre glaciale des intérieurs, ajoutant ainsi beaucoup de douceur. Mais, ici, c'est une histoire d'éveil à la sexualité qui se trame avec la présence corsetée d'un grand ponte de la médecine dont la déontologie professionnelle est ébranlée par la  sensualité évidente de la jeune patiente qu'il prend sous sa coupe. Tout le poids de l'éthique médicale et les codes de la bonne bourgeoisie du 19ème siècle sont magnifiquement portés par Vincent Lindon, impressionnant de retenu et d'interrogations. Face à lui, Soko, réussit avec force à faire passer son désir, sa peur et cette sexualité qui ne demande qu'à s'exprimer.
Si je devais retenir un moment fort du film (oui, n'en déplaise à certains, il y en a !), je citerai la scène du jeu avec le singe que le professeur Charcot  a amené pour sa patiente dans son cabinet de consultation. L'animal passe de bras en bras, de l'un à l'autre. Comme c'est cadré en plan serré, le spectateur voit des bras se tendre, enlacer le singe, le reprendre, comme le porteur innocent de messages secrets. Au bout d'un moment, on ne sait plus qui enlace qui, l'ambiguïté règne, les corps semblent se rapprocher, se caresser, ... C'est sobre, sensuel, magnifiquement mis en scène, vraiment érotique...
Pour son premier long-métrage, Alice Winocour n'a pas choisi un sujet facile mais s'en sort remarquablement bien. Il y a bien longtemps que je n'avais vu un premier film aussi maîtrisé et porteur d'un vrai regard de cinéaste. A l'avenir, il faudra compter sur elle, j'en prends le pari.


samedi 10 novembre 2012

Georges et Tchang de Laurent Colonnier


Les éditeurs de BD misent rarement sur la polémique pour vendre leurs productions. Ces recettes éprouvées de la littérature générale ne sont pas tout à fait parvenues au royaume du neuvième art. Pourtant cette semaine la presse s'est faite l'écho de la parution supposée sulfureuse d'un album intitulé : Georges et Tchang, une histoire d'amour au vingtième siècle, mettant entre autre en scène la relation amoureuse d'Hergé et de Tchang son ami chinois, sculpteur de génie par ailleurs.
Jusqu'à présent aucune biographie n'avait mentionné la passion du créateur de Tintin pour celui qui fut également le héros de deux albums (Le lotus bleu et Tintin au Tibet). On connaissait son supposé racisme, ses velléités collaborationnistes, son côté grand séducteur auprès de la gent féminine mais pas cet amour pour un homme. La société Moulinsart qui gère les droits de Tintin n'a pas daigné communiquer sur le sujet. Normal me direz-vous puisque l'auteur, Laurent Colonnier est parti d'un lapsus d'Hergé lors d'un passage dans l'émission apostrophe et qui qualifiait l'album "Tintin au Tibet" d'histoire d'amou...heu d'amitié. Partant de là, il a laissé courir son imagination pour nous livrer aujourd'hui le fruit de ses réflexions.
Disons-le tout de suite, "Georges et Tchang" ne se concentre pas uniquement sur la relation fantasmée d'Hergé et de son ami chinois.  Nous découvrons Georges Rémy (RG), jeune créateur plein d'idées. Tintin commence à avoir du succès et il le lance dans  de nouvelles aventures en Chine et prend comme consultant le dénommé Tchang pour ne pas donner une vision caricaturale du peuple chinois. L'époque est trouble, le contexte international tendu mais Hergé est tout à sa création. Tchang, vraisemblablement manipulé par les communistes chinois, va beaucoup rencontrer Georges Rémy, échanger énormément et va petit à petit finir par devenir son amant.Tout en subtilité, on sent monter leur attirance aussi bien physique qu'intellectuelle.
En fait l'album nous montre aussi que 1934 a été pour Hergé l'année où il puisera plus tard énormément d'éléments pour son oeuvre. L'auteur lui fait croiser des personnes réelles qui deviendront plus tard, le professeur Tournesol, le capitaine Haddock ou la Castafiore, autant de clins d'oeil qui montrent la déférence que Laurent Colonnier a pour Hergé. Et lui donner une aventure qui peut paraître sulfureuse ne me semble pas du tout irrespectueux, au contraire. Car, si l'on réfléchit bien, Hergé aura tout réussi dans sa vie. Il aura été le créateur d'un des héros les plus populaires du 20ème siècle, aura connu la gloire, l'argent et aura eu l'ouverture d'esprit de pouvoir aimer aussi bien un homme que des femmes.
Ce très joli album, noir et blanc est un vibrant hommage au génie du père de Tintin et le portrait de toute une époque qui fut le creuset de la première grande bande dessinée moderne. Pour cela, il devrait ravir tous les tintinophiles et plus si affinité.



jeudi 8 novembre 2012

Etrange suicide dans une Fiat rouge à faible kilométrage de L.C. Tyler


C'est bien, pour une fois, je ne vais pas m'étendre sur le résumé de l'intrigue, tout est presque raconté dans le titre. Ce que je peux rajouter, c'est que Géraldine, la suicidée, est l'ex femme d'Ethelred (joli prénom mâle), écrivain grisâtre, coincé et ennuyeux, auteur de polars pour vieilles bigotes et de romans d'amour type Harlequin en plus soft encore. Il est le narrateur de cette histoire en compagnie d'Elsie son éditrice mal embouchée et parfait contraire. Tous les deux vont se lancer dans une enquête pleine de rebondissements, chacun racontant à tour de rôle, et selon son caractère, l'enchaînement parfait d'une multitudes de péripéties.
Quand j'ai commencé la lecture d'"Etrange suicide dans une Fiat rouge à faible kilométrage", j'ai tout de suite été conquis par le ton rempli d'humour de la narration. Le duo principal répond parfaitement aux critères premiers de toute bonne comédie : parfaitement antinomiques, lui flegmatique et poussiéreux, elle débordante d'énergie et dotée d'un franc parler réjouissant. Ca pétille et ça fuse à toutes les pages. On rit et on est happé par cette intrigue, somme toute assez basique, mais rudement bien fichue, car menée tambour battant de chapitre en chapitre. Je me suis dit : "Si c'est comme ça jusqu'à la fin, je tiens là un polar coup de coeur !"
Bon, pas tout à fait quand même. Si l'histoire est passionnante jusqu'au bout et même si on voit venir le dénouement grâce aux indices éparpillés négligemment par l'auteur au fil des pages, le ton savoureux et décalé subit une petite baisse de régime dans le dernier tiers du livre. C'est un peu dommage et peut être la faute aux extraits des romans ratés de l'écrivain, pas tout à fait inutiles psychologiquement, mais un peu plombants (normal, c'est un auteur ennuyeux, même si sa prose léthargique est savoureuse au troisième degré).
Quoiqu'il en soit, si vous aimez les polars à l'anglaise mais retravaillés façon humour décalé, vous passerez un très bon moment.

PS : Notons que derrière cette très attrayante couverture, les éditions Sonatine, à leur habitude, nous offrent un résumé particulièrement dithyrambique. Si je reprends leur dernière phrase, je suis d'accord avec "Sans jamais se départir de l'humour et de l'élégance qui font toute la saveur des romans policiers anglais classiques, il (L C Tyler) revisite tous les clichés du genre", je suis un peu plus sceptique avec la suite qui ajoute :" et nous offre un thriller au suspens implacable, diablement moderne et jubilatoire"...
Ici, ça tient du boniment de foire. Oui c'est moderne et jubilatoire mais suspens implacable... faut pas exagérer ! J'avais déjà été dupé par le côté alléchant de leur présentation d'"Avant d'aller dormir", polar lent et raté, l'an dernier, alors depuis, je me méfie.
Je comprends bien qu'il faut vendre du livre. Celui-ci est réussi, tant mieux, mais n'allez pas croire que vous lirez le suspens de l'année. Non, c'est drôle, bien fichu, détendant et c'est tout. Mais c'est déjà énorme par les temps qui courent, raison du plus pour le poser dans votre pile à lire.

mardi 6 novembre 2012

J'enrage de son absence de Sandrine Bonnaire


Sandrine Bonnaire est une comédienne rayonnante et attachante doublée d'une femme de conviction. Pour son premier film de fiction, elle a choisi d'aborder un sujet difficile : comment vivre, survivre, après la perte d'un enfant ? Sur un scénario, inspiré en petite partie de l'histoire de sa mère à qui le film est dédié, Sandrine Bonnaire s'attache aux pas d'un homme, Jacques (William Hurt), qui revient en France pour régler la succession de son père et en profite pour revoir Mado (Alexandra Lamy) avec qui il a eu un enfant aujourd'hui décédé. Mado a refait sa vie et un autre enfant, Paul, 7 ans. Au gré de leurs rencontres, un grande complicité va naître entre Jacques et cet enfant. Gênée par ce rapprochement, Mado interdira à son fils de revoir Jacques qui, par amour (?) va s'installer secrètement dans la cave de l'immeuble où habite son ancienne maîtresse.
A partir de ce canevas, Sandrine Bonnaire essaie de nous faire partager le désarroi de cet homme dont le deuil est impossible et qui va peu à peu s'enfoncer dans la folie. Malheureusement, elle n'y parvient pas. Le film traîne en longueur, chemine dans les directions incertaines du thriller pour revenir vers une trame mélodramatique. C'est long, très long, très répétitif aussi. William Hurt, le visage fermé, dur, joue l'intériorité. C'est tellement intérieur que je n'ai pas perçu grand chose, ni ambiguïté, ni amour, ni folie. Bloc humain monolithique, il hante le film sans générer la moindre émotion à l'exception peut être de la scène d'où est tiré le titre de ce film. Face à lui, Alexandra Lamy, toute en retenue, est vibrante d'émotion. Chacune de ses apparitions donne de la chair à cette histoire et confirme qu'elle est vraiment une de nos grandes comédiennes aussi crédible dans la fantaisie que dans le drame. Bien que double parfait de la réalisatrice (  la ressemblance est frappante entre la réalisatrice et la comédienne), son rôle est un peu laissé de côté pour donner la vedette à William Hurt. Du coup, la situation un peu limite de l'installation de Jacques dans la cave, devient totalement improbable. Couché à même le sol mais toujours propre, le visage aussi expressif qu'un masque mortuaire, on perçoit bien qu'il déraille, mais, ayant décroché depuis un moment, on s'en fiche quand même un peu. Pendant qu'il s'enfonce dans la folie, le spectateur plonge dans l'ennui.
Pourtant, il y a des qualités dans ce film, notamment cette manière de filmer les acteurs en plans très serrés, donnant une proximité et une acuité particulière à certaines scènes. Bien que paré des meilleures intentions du monde, "J'enrage de son absence" ne parvient pourtant pas à emporter l'adhésion, la faute à un scénario hésitant entre plusieurs directions et un William Hurt tellement corseté que sa présence erratique annihile toute émotion.



lundi 5 novembre 2012

Maus d'Art Spiegelman


 Je viens de terminer "Maus" d'Art Spiegielman. J'ai enfin réparé cette impasse littéraire et je ne peux que souscrire à tout ce qui a été dit : c'est bien un chef d'oeuvre. Je n'ai rien à rajouter, tout est consigné pour l'éternité. C'est une somme incontournable, un témoignage bouleversant et original sur l'holocauste, un terrible devoir de mémoire à lire et à relire.
Je dis relire, car, comme tous les grands livres, "Maus" offrira à chaque relecture des éléments, des détails, des éclairages nouveaux ou nous ayant échappé la fois d'avant. Car ce n'est pas seulement le récit de l'extermination des juifs par les nazis mais c'est également une interrogation essentielle du poids de la Shoah sur la vie des survivants et de ses descendants.
Au delà de l'analyse que nous propose Art Spiegelman dans son album, cette première lecture enthousiasmante mais glaçante, m'a interpelé par rapport au personnage central, Vladek, le père du narrateur. Il est en quelque sorte le héros car il s'est toujours débrouillé pour sortir vivant des situations les plus terribles. Et cependant, il n'est pas sympathique, du moins je ne l'ai pas trouvé si attachant que ça même dans les pires moments. Il est, et son fils, l'auteur, le dit lui même, l'archétype du juif ou du moins ce que la propagande antisémite voulait qu'il soit : avare, obnubilé par l'argent, magouilleur, ayant un sens du commerce aigu, surtout quand c'est à son profit ou pour sa famille. Si vous rajoutez raciste, vous obtenez un personnage pas très reluisant. Et durant tout le récit, il ne l'est pas vraiment...
Riche avant guerre grâce à un bon mariage, Vladek peut acheter, corrompre des connaissances pour échapper à la gestapo. Il arrive avec son argent mais aussi par la ruse, à passer au travers des mailles du filet jusqu'à début 1944. Même quand il sera à Auschwitz, il saura se débrouiller pour être toujours du côté du moins pire, obtenant par son intelligence mais aussi son sens inné du commerce et des relations humaines, nourriture et faveurs. Formidable instinct de survie ...
C'est peut être un des éléments qui fait que ce livre est si brillant. Vladek, bien qu'héros ambigüe, n'arrive pas à atténuer l'horreur de l'holocauste. En utilisant les défauts supposés des juifs, Art Spiegelman, nous fait encore plus sentir l'ignominie de cette page plus que noire de notre Histoire parce que ce fut au-delà du pensable, de l'imaginable. Plus rien n'a d'importance face à de tels actes. Le peuple juif était nu, avec sa seule vérité et quelques fussent les défauts, les qualités de chacun,  jamais rien ne pourra justifier de tels actes.
Quand après la guerre, Vladek s'enfermera dans l'aigreur, la suspicion et l'avarice, rendant la vie de ses proches infernale, planera toujours cette ambiguité.  Est-ce le traumatisme des années noires qui a ainsi rendu cet homme si asocial ? Est-ce que son destin est vraiment exemplaire ? Et comment avancer dans la vie quand on a un tel père rescapé des camps et un frère mort que l'on n'a pas connu ?
Des questions multiples (et bien d'autres), des destins incroyables, une histoire hallucinante et un soupçon d'ambiguité, apanage de plein de chefs d'oeuvres, font que "Maus" est vraiment l'album BD qu'il faut avoir lu et que l'on garde pour le relire , régulièrement et toujours, pour ne jamais oublier.

dimanche 4 novembre 2012

L'envolée de Stephan Eicher


Quelques notes de violoncelle et puis Stéphan Eicher chantait :
"Les nouvelles sont mauvaises d'où qu'elles viennent...
Je garderai pour moi ce que m'inspire le monde
Elle m'a dit qu'elle voulait, si le permettais, déjeuner en paix."
C'était en 1991...
Automne 2012, après quelques années d'absence, le chanteur suisse revient avec un nouvel album : "L'envolée". Déjeuner en paix, il semble qu'il ne le peut plus. Les nouvelles du monde se sont infiltrées insidieusement dans ses chansons. Si le violoncelle accompagne encore parfois ses compositions, les guitares électriques de la grande époque ont été quelque peu mises de côté. Peut être une question d'âge? De maturité et de sagesse certainement.
"L'envolée" est un album court renfermant treize petites chansons (dont 3 en bernois, variante de suisse alémanique), ciselées comme des petits bijoux que l'on aimera conserver précieusement. Si l'amour, l'absence, la tendresse, thèmes centraux de toujours de son répertoire, restent présents dans les textes écrits avec Philippe Djian, Fred Avril ou Miossec, la réalité du monde y a maintenant sa place, parfait contrepoint pour évoquer la difficulté de vivre dans un univers impitoyable. On trouve ainsi au gré de quelques chansons des mots comme licencier, agence de notation, rideau de fer (formidable chanson qu'est "Disparaître" sur des paroles de Miossec), marchandises, ouvriers (dans "Envolées") ou humanité/duplicité (sur "L'exception"). Cela donne une tonalité pas forcément engagée mais d'une noirceur inattendue. Et en homme talentueux, Stéphan Eicher a su enrichir et habiller ses chansons d'arrangements somptueux, mélangeant avec bonheur instruments à vents éclatants et cordes délicates, ambiances minimales et envolées rocks.
Le résultat est absolument renversant de finesse et de lucidité et il nous livre ici un album comme on n'osait l'espérer. C'est la divine surprise de cet automne. Il est évident que cette "envolée"ne retombera pas de si tôt et prendra une place de choix dans nos ipods, aux côtés d'"Engelberg" et "Carcassonne" ses deux albums mythiques.


samedi 3 novembre 2012

La maison dans les bois d'Inga Moore


On me reproche parfois que mes emballements pour des albums "jeunesse" se portent vers des ouvrages ou trop conceptuels ou un peu étranges et moins souvent vers des contrées plus classiques. "La maison dans les bois" de l'anglaise Inga Moore ravira tous les amateurs de belles histoires.
Nous sommes en automne, dans une forêt qui revêt ses plus belles couleurs avant son chant de cygne hivernal. Les animaux se préparent des abris pour affronter la froidure prochaine. Crise du logement oblige, les bons endroits sont rares et deux cochons, une ourse et un cerf se retrouvent bien vite à la rue à la forêt. Ils décident de s'unir pour construire une belle et grande maison pour eux tous. Aidés par les pros du bâtiments que sont les castors et moyennant un paiement en beurre de cacahuète, ce logis collectif se dressera, magnifique, dans une clairière protégée.
Pas de pirouette finale ici, mais du bon sentiment, de la solidarité, du respect, du bon sens. C'est gentil mais pas mièvre car l'auteur a su intégrer à son récit plein de petits anachronismes assez rigolos comme le téléphone façon début du siècle, les camions des castors ou la judicieuse utilisation de la décharge publique (sans doute des humains) pour décorer cette maison.
L'autre point fort de cet album sont les illustrations, symphonie brumeuse de couleurs et de tons à la gloire de la forêt d'automne. Elle accompagnent magnifiquement un texte simple et chaleureux, donnant à cette histoire un sentiment de douceur particulièrement bienvenu. Tout cela peut sembler un rien gnangnan, mais la cohérence du projet fait fondre même le plus dur des lecteurs.
Un album que l'on peut lire à partir de 3/4 ans et feuilleter pendant dix ans pour le régal des yeux.

vendredi 2 novembre 2012

14 de Jean Echenoz


Je suis content, je viens pour la première fois de terminer un roman de Jean Echenoz. "Cherokee" m'était tombé très vite des mains en 1983 et en 1986 "L'équipée malaise" m'avait endormi. Je n'arrivais pas à entrer dans cet univers en grande partie à cause de l'écriture. Mais cette fois-ci, victoire, avec "14", je suis allé jusqu'au bout ! Pas difficile me direz-vous, ça ne fait que 124 pages dans un format poche, écrit gros.
"14" a pour sujet cette terrible boucherie que fut la première guerre mondiale et le moins que l'on puisse dire c'est que Jean Echenoz  l'évoque très bien en peu de pages. Tout y est : l'horreur, les mutineries, les gueules cassées, les tranchées, les poux et les rats, les femmes au travail,... Un vrai petit précis que ceux qui ne connaissent pas cette période pourront lire pour une remise à niveau. Pour les autres, rien de nouveau sauf peut être quelques petits détails glanés de-ci de-là au détour d'un paragraphe ou lors d'une des nombreuses énumérations dont Jean Echenoz semble raffoler. Ainsi, j'ai découvert la cervelière, sorte de petite calotte métallique qui les soldats ont du mettre sous leur képi au début du conflit et vite remplacée par un casque pour cause de peu de pratricité.
On sent que l'auteur s'est passionné pour cette guerre 14/18, s'est documenté énormément, minutieusement, jusqu'à faire du name-dropping d'époque en nous abreuvant de marques d'armes, d'avions ou de vélos aux noms inconnus (Euntes la marque de vélo bien connus des ecclésiastiques en soutane). Cela alourdit un peu ce texte aux longues phrases tortueuses..
Si l'évocation du conflit est absolument parfaite de maîtrise et de concision, j'ai par contre eu l'impression que c'était au détriment de l'histoire avec un petit "h". La quatrième de couverture laisse entendre une intrigue romanesque avec une héroïne attendant le retour de deux hommes. Il y a de ça, mais le personnage féminin est à la fois très secondaire et désincarné, faisant quasiment de la figuration. Elle est par contre l'objet d'une scène étonnante où, lors d'une consultation auprès de son médecin de famille, elle se voit proposer un avortement ! En 1914 ? C'est vraiment d'époque ? Peut être dans la bourgeoisie alors, ils ont toujours plus d'avantages et de combines que le bas peuple.
Quoiqu'il en soit, "14" est le petit roman que l'on peut lire ce mois-ci. Il est tout à fait raccord avec les prochaines commémorations du 11 novembre et surtout il redonne un coup de projecteur sur une période peu glorieuse de notre histoire. Un bon livre pour un indispensable devoir de mémoire.
Un peu plus : voici un lien vers l'émission "Plan B" de Frédéric Bonnaud qui reçoit Jean Echenoz et lui pose toutes les bonnes questions.







jeudi 1 novembre 2012

Treize chansons de Barbara par Daphné


Cette semaine sort un nouveau disque de Daphné, chanteuse talentueuse mais quelque peu confidentielle malgré un succès critique grandissant. Pour exister sur la scène de la chanson française en manque d'inspiration, les artistes donnent en ce moment dans la reprise, phénomène de mode qui peut rapporter gros (voir Nolwenn Leroy et ses chansons bretonnantes). Cette rentrée Francis Cabrel chante Bob Dylan, Mireille Matthieu et Patricia Kaas hurlent du Piaf et Robert (oui, c'est une chanteuse) susurre façon Mylène Farmer les chansons du patrimoine genre "A la claire fontaine". Et Daphné reprend Barbara. Cela aurait pu être Sheila ou Sylvie Vartan (en version décalée comme Julien Doré sur le "Lolita" d'Alizée), mais non, c'est la grande Barbara qui est l'heureuse élue. Les puristes, les aficionados de la grande dame brune crient au scandale, se bouchent les oreilles et ne décolèrent pas que quelqu'un puisse commettre un tel sacrilège.
A bien y réfléchir, s'il y a un chanteuse qui pouvait s'atteler à un tel challenge, c'était bien Daphné. Sa voix, haut perchée et magnifique, rappelle bien souvent sa vénérable ainée. Et quand elle déclare à la presse que l'idée de reprendre ce répertoire ne l'avait jamais effleuré, j'ai du mal à la croire. Et quand j'écoute le résultat, je félicite Thierry Lecamp d'Europe1 d'avoir été l'initiateur de ce petit bijou. Pour moi qui ne pouvait écouter en entier un disque de Barbara, crispé par son interprétation trop maniérée à mon goût et pleine d'afféteries, ce disque est une vraie réussite, un plaisir d'écoute absolu. La voix de Daphné, belle, cristalline, redonne un lustre inattendu à tous ces classiques de la chanson française, réorchestrés avec simplicité et magnifiés par une interprétation remplie d'émotion et de talent.
On notera également la présence de trois duos de haut vol : avec Jean Louis Aubert sur "Gottingen", où le timbre hésitant de l'ex chanteur de Téléphone rend parfaitement perceptible la fragilité des sentiments de paix évoqués dans la chanson, avec Dominique A sur "La dame brune" et surtout avec Benjamin Biolay sur "Dis, quand reviendras-tu ?", une pure merveille que je me passe en boucle depuis hier.
Pour l'anecdote, vous trouverez bien sûr une version de "L'aigle noir", mais augmentée d'un couplet inédit.
Moi qui était plus fan de Daphné que de Barbara, mon scepticisme quant à l'intérêt de cette production a volé en éclats à l'écoute de ces treize titres, tous plus beaux les uns que les autres. C'est du travail d'artiste, certes à partir d'un remarquable canevas, mais le résultat est au-delà de ce que l'on pouvait attendre. Un seul mot : BRAVO!


Et bien sûr, je ne résiste pas à l'envie de vous mettre le duo Daphné/Benjamin Biolay magnifiant (est-ce possible ?) "Dis, quand reviendras-tu ?"