jeudi 31 mars 2016

Les yeux nus de Claire de Colombel


Un titre intriguant, un dessin un peu suggestif, la couverture de "les yeux nus" est tentante. Quand on parcourt les quelques 120 courts chapitres aérés, on se trouve plongé dans la tête d'une femme qui pose nue dans les écoles des Beaux Arts. Le sujet est original. Très ce monologue qui ne cache rien des moment de poses, de ce corps qui est regardé, mille fois dessiné mais jamais exhibé, touche le lecteur Nous comprenons que ces moments souvent revenus dans la semaine pour cette ancienne danseuse ne sont pas du tout ce que l'on imagine. Aucune vulgarité ni dans les regards des étudiants et de leurs professeurs, ni dans sa manière d'offrir son corps à toute une salle. Son corps s'offre uniquement à la technique du dessin, à l'apprentissage. Une certaine solennité règne dans ces lieux scolaires.  Son travail est fait de beaucoup d'exigence, d'une grande connaissance de son corps et de ses muscles ou de la douleur que ceux-ci peuvent endurer. Tout y est passé en détail. Nous n'ignorons rien de ces petits riens qui se passent durant ses longs moments d'immobilité, nue sur une estrade, les regards fuyants, sa sensation aux bruissements des crayons sur les feuilles, son corps qui se raidit parfois ou qui laisse échapper une goutte de sueur. Pas d'impudeur, pas d'exhibition car elle ne livre aux regards que son enveloppe charnelle jamais son intimité. Et lorsque par hasard, une fois, elle s'endort, elle le regrette car elle estime avoir laisser échapper quelque chose de très personnel, d'avoir livré une partie de son être profond et intime.
Le texte, empreint de toute l'expérience d'un métier comme un autre, bien plus compliqué qu'on l'imagine et bien moins vulgaire que certains pourraient le penser, est joliment écrit avec des phrases simples et directes. Toutefois et malgré qu'il ne soit pas bien long, j'ai eu l'impression qu'il tournait en rond. En ne quittant jamais l'intérieur de sa tête lors de ses séances, on se figure être un étudiant, placé différemment à chaque chapitre, observant cette femme sous un angle nouveau, mais toujours la même, malgré le changement de position. Ce n'est pas que l'ennui arrive, on n'a pas le temps vu la brièveté, mais une certaine envie de connaître un peu plus cette femme qui, bien que toujours nue, ne se livre que peu. Trop professionnelle, elle garde avec les mots la même distance qu'avec les hommes et les femmes qui la dessinent. Pourtant, elle écrit : "Nos mots parlent de nos pensées, nos gestes expriment nos sentiments, nos vêtements disent nos goûts. Silencieuse, immobile et nue, je ne montre que ce qu'expriment mes poses. Elles ne révèlent rien de mon intimité. C'est en écrivant que je me déshabille." C'est un bon résumé mais, pour moi, elle ne se déshabille pas avec les mots, elle les utilise pour dresser un portrait qui reste assez froid et distant. C'est sans doute la seule réserve que je ferai pour ce livre au thème original et sensible. 

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