mercredi 31 janvier 2018

Sparring de Samuel Jouy


Mais pourquoi donc "Kassovitz magnifique " quasi aussi gros sur l'affiche que le titre ? Et cette photo cultivant un culte glamour sportif laissant imaginer un boxeur prenant sa dose d'encouragement dans la bouche même d'une bien aimée, ne renvoie-t-elle pas à d'autres films célèbres qui ont pris le ring comme décors ?
Assurément nous sommes dans un film à short et peignoir de satin mais production Europa Corp oblige ( Luc Besson ), donc on aura tout loisir de manger tranquillement son litre de pop corn, il restera de la force au cerveau pour diriger la main, ce dernier n'étant pas surmené par un scénario compliqué ni franchement prenant. Toutefois, si d'habitude chez le producteur toute l'histoire tient sur  une page de carnet écrite gros, disons qu'ici, un développement intense l'a rallongé d'une demi-page. Donc, "Sparring" apparaît plus proche de " Rocky "que de "Raging Bull", mais un Rocky en version française, c'est à dire avec un looser, de jolis sentiments et peu de gonflette. A la place de Stalonne, nous avons donc Mathieu Kassovitz, au bout d'une carrière ratée ( celle de son personnage bien sûr !)  fin, sec, ( mais pas botoxé comme son collègue Mickey Rourke qui, lui aussi, à eu son épisode boxeur bodybuildé lèvres comprises). Pour payer un piano à sa fille, il va accepter de se faire humilier en tant que sparring partner, en gros devenir sac de sable humain, fait pour prendre des coups de la part d'un boxeur star quelques semaines avant une rencontre importante.
Oui, Mathieu Kassovitz apparaît totalement crédible en boxeur de seconde zone mais louer sa magnificence reste de la promotion. L'élan nerveux de la photo de l'affiche relève, elle aussi, de la  tromperie, le film se regardant gentiment sans jamais nous passionner. La mise en scène, appliquée, suit parfaitement le scénario qui se vautre doucement dans les bons sentiments et la gentillesse.
Ni groggy, ni K O debout, nous ressortons de la salle avec l'impression  d'avoir visionné un film pas désagréable mais que nous aurons vite oublié.


lundi 29 janvier 2018

Les spectateurs de Nathalie Azoulai


Pour reprendre une rubrique d'un magazine féminin à grand tirage ( Elle ), je réponds à la question que je me pose : Il est comment le nouveau Nathalie Azoulai ? ( Oui, on peut poser cette question, puisque le précédent de l'auteure a quand même obtenu le prix Médicis en 2015 ).  Là, où le magazine tournerait autour du pot en mettant en avant, l'histoire, les personnages un peu fantasques, je réponds franchement : Déroutant !
Le roman débute par les essais infructueux d'une petite fille s'essayant à la marche, image emblématique de la suite, puisque tous les personnages de ce roman verront leurs élans contrariés. Mais avant d'en arriver à ce constat, il faut que le lecteur passe un premier cap : celui du style. Première particularité : les personnages du roman ne sont jamais nommés. C'est une famille de quatre personnes. Ils seront tour à tout "il", "son père", "elle", " sa mère", ... Comme les dialogues sont intégrés dans les phrases qui, alternent sans façon  paroles prononcées puis action, la lecture, pour peu que l'on pense être dans un roman lambda ( on a tort , nous sommes chez POL pas chez Michel Lafon !), se révèle un peu chaotique au début, le temps de bien saisir le procédé.
Exemple ( pris page 55 parce que court ) :
D'où sors-tu ? demande-t-il sèchement en le voyant surgir et se jeter sur le tapis. Il enfouit sa tête dans le cou de sa sœur, ne répond pas. 
Le premier "il", c'est le père qui parle. La phrase suivante, si, on lit trop vite, on prend le deuxième "il" pour la même personne mais en fait non, c'est le fils, renseignement fourni ensuite par le " de sa sœur". Vous me direz que c'est simple, que je n'ai qu'à lire moins vite, plus attentivement mais, je l'avoue cela m'a un peu dérouté au début, surtout que c'est continuel.
Une fois bien intégré cette petite originalité, vraisemblablement pour immerger le lecteur dans le même brouillard d'incertitudes et d'interrogations dans lequel se trouve le garçon de la famille qui s'interroge beaucoup sur ses origines, le roman avance. Avance ?  Pas tout à fait...
L'action se situe autour de l'achat d'un poste de télévision acheté lors de la naissance de la petite sœur, et d'une conférence de presse du général de Gaulle que regarde le père regarde avec la ferveur des fans absolus. En périphérie, la mère, femme fantasque et obnubilée par les stars de cinéma du Hollywood des années 40/50, tournoie avec ses robes copiées sur celles portées par ses actrices préférées, la petite sœur, avec une jambe défaillante, rampe au sol sauf si elle est stimulée par son grand frère qui observe tout ceci avec œil interrogateur. Par de multiples retours en arrière, on en apprend un peu plus sur chacun des personnages auxquels vont venir se greffer deux voisins : Maria, la couturière de la mère et son fils Pépito, ami du garçon.
Je l'avoue, je me suis lassé de tous ces va et vient même si commençait à germer une pointe d'intérêt sur cette famille dont on devine les origines orientales et dont on suppute une arrivée en France empreinte de mystères. Alors, j'ai abandonné le livre page 118 ... Je crois que le énième coupon  de tissu acheté au marché Saint Pierre ( du satin noir pour un fourreau) et amenant encore une énième évocation de stars féminines hollywoodienne fut fatal.
Cela aurait pu être terminé pour ce roman mais, malgré tout, les personnages continuaient à me trotter dans la tête. Alors, j'ai repris le roman et ai décidé, puisque la narration n'était pas linéaire, de me replonger dans la suite  au hasard ... et je lis un passage à l'hôpital où un médecin ressemblant à Robert Taylor soigne la petite sœur, et je lis une conversation entendue au travers d'une porte, ... Cette lecture fragmentée, selon mon plaisir, lorsque j'avais cinq, dix minutes, s'est révélée très agréable car l'écriture Nathalie Azoulai, par petits bouts, je l'avoue, on y prend plaisir.
Je ne suis pas certain que cette façon peu orthodoxe de lire un roman soit la meilleure ni celle que je conseillerai, mais ce fut la mienne. Il me reste encore bien présents la tristesse ténue qui imprègne le  livre, ce petit garçon curieux et cette mère qui fuit la réalité, portraits pointillistes qui ne me quittent toujours pas, signe que quelque part ce roman agit et est sans doute réussi ...mais pas de façon classique.


Il est beaucoup question de Gilda, de fourreau, de stars glamours dans ce roman.... 

samedi 27 janvier 2018

La douleur de Emmanuel Finkiel



De Télé Z ( si, si, j'ai vérifié !) à Télérama, "La douleur " fait l'unanimité. Portant le label "Film Inter" on a entendu tous ses acteurs ( même Grégoire Leprince-Ringuet qui apparaît fugacement en Morland/Mitterrand) squatter toutes les émissions de la radio publique ( alors que RTL doit faire un tapis rouge aux Tuche 3). Comme nous sommes en présence d'un vrai film d'auteur, en plus adapté d'une gloire littéraire française, Marguerite Duras, l'œuvre suscite un curiosité sans pareille. 
Incontestablement "La douleur" de Emmanuel Finkiel ne peut laisser indifférent en premier lieu par son sujet et son rapport à l'Histoire, mais aussi par sa lecture de l'œuvre de Duras, par sa forme, sa mise en scène et son interprétation, le tout s'enchevêtrant comme rarement au cinéma. 
Au départ, nous avons un roman de Duras qu'elle présentait comme un journal retrouvé dans une armoire ( mais on sait depuis que le manuscrit avait été très travaillé, l'écrivaine cherchant à se fabriquer une certaine image) et narrant l'arrestation de son mari de l'époque, Robert Anthelme, écrivain mais aussi résistant, puis son attente à elle jusqu'au  retour des camps de son époux, puis sa lente guérison. Le film pour cela reste fidèle à l'esprit du livre ( sauf pour la dernière partie, justement occultée pour ne se concentrer que sur le personnage de Marguerite), mêlant grande histoire et petite pour mieux nous faire saisir l'atmosphère si particulière de l'époque. A l'écran, la reconstitution se révèle habile même si minimale ( le budget sans doute..). Si les décors sont seulement suggérés car très souvent en seconds plans floutés, montrant ainsi l'isolement et la solitude de cette femme aux aguets, la bande son, ultra précise, joue un grand rôle pour recréer cette période. Seules les nombreuses tenues pimpantes de Marguerite viennent pâlir cette évocation ( nous sommes en 1944/1945, les chemisiers provenaient plus certainement des doublures usées de vieux manteaux habilement transformées que de la dernière boutique en vogue, même pour Duras qui à l'époque n'était pas connue, n'ayant rien publié). 
Nous suivons donc Marguerite, magnifiquement interprétée par Mélanie Thierry, jouant au chat et à la souris  avec un inspecteur collabo puis attendant, comme beaucoup à l'époque, le retour incertain d'un proche. Cette douleur que décrivait Marguerite Duras est donc celle qu'une femme ( elle, mais peut être une autre, sans doute une autre, mais un peu elle quand même... ) éprouve durant ce temps interminable du retour hypothétique d'un être cher, peut être aimé. Dans le roman, c'est précis, même si l'on est étonné qu'au détour d'une page, alors qu'elle soigne ce mari revenu de l'enfer, soudain sans que presque rien ne l'annonce, elle déclare qu'elle veut le quitter pour faire un enfant avec un autre, nous sommes bien dans une évocation de cet état douloureux. A l'écran, Emmanuel Finkiel traque cette attente avec empathie et finesse mais n'occulte pas non plus la liaison de Marguerite avec Dionys Mascolo. A cette douleur de l'attente qu'une épouse se devait d'avoir, s'en mêle donc une autre, plus ambiguë, de la femme qui, malgré tout, en aime un autre. Mais entre l'envie de respecter le thème du livre et celle de l'adapter sur une réalité que le roman n'arrivait pas à occulter, le film hésite un peu. Si l'on voit que Marguerite a une liaison avec Dyonis, que ce dernier est fort amoureux, à l'écran, elle semble ne rien éprouver pour lui. Du coup la douleur due à cet arrachement entre le devoir et l'amour, passe sensiblement à la trappe, pour, me semble-t-il, se concentrer surtout aux moments de tensions temporelles ( sauf à l'extrême fin). 
Quoiqu'il en soit, malgré quelques petits bémols ( auxquels je peux rajouter une musique dissonante, clichetonne mais surtout énervante) "La douleur" se révèle être un film passionnant qui ne laissera personne indifférent. Que l'on soit connaisseur ou pas de l'œuvre de Duras, amateur  ou pas de cinéma intimiste et d'auteur, les partis pris de mise en scène, la qualité de l'interprétation, les thèmes développés ne peuvent que toucher le spectateur et très certainement susciter la discussion. De celui qui va trouver le film lent et parfois répétitif à celui qui sera ému aux larmes, nul doute qu'autour d'une table, les langues iront bon train. C'est le propre des œuvres de grands réalisateurs et nul doute qu'Emmanuel Finkiel en est un. 



vendredi 26 janvier 2018

Crapule de Jean-Luc Deglin


Des chats dans la bande dessinée, il y en existe pléthore. Du merveilleux et énervé chat de Gaston Lagaffe, en passant par le délicieusement posé et philosophe décapant Chat de Philippe Geluck, le plus racé Chat du rabbin de Joan Sfar, mais aussi l'ignoble et hilarant Garfield ou le formidable second rôle qu'est Raoul le chat de Léonard. Des chats en bande dessinée, en veux-tu en voilà... normal, c'est l'animal domestique préféré dans le monde occidental. Logique donc qu'il soit source d'inspiration pour de nombreux dessinateurs, il se prête fort bien au croquis drôle et attendrissant. Et si on rajoute l'attraction énorme et mondiale pour les LOLcats en vidéo, normal aussi qu'un éditeur soit intéressé par un auteur qui s'intéresse de très près à ce félin.
"Crapule", recueil de strips en format carré, nous propose une jolie tache noire que dévorent de grands yeux ( forcément expressifs).  Les amateurs craqueront sans problème, c'est fait pour. L'auteur doit avoir un chat à portée de crayon et s'en donne à cœur joie. Cependant l'album ne brille pas particulièrement par son originalité ni son mordant, juste une fine observation d'un animal et de sa maîtresse dans un appartement lambda. Niveau humour, nous sommes dans le soft, dans un quotidien bienveillant et attendrissant. Certains me diront que ça change...perso...et j'adore les chats..et la bande dessinée en strip, mais il m'a manqué un peu de mordant quand même. Ce Crapule  m'a rappelé par son allure et par son humour bon enfant, un collègue d'un autre temps, Poussy, créé par Peyo ( le créateur des Schtroumpfs ...et du redoutable Azraël aussi...) qui jouissait d'une plus grande liberté : il pouvait vagabonder où bon lui semblait. Crapule, lui, hérite d'une époque cocooning mais inquiète et reste enfermé dans 45 m2, limitant considérablement le champ des possibles.
Crapule est un mignon petit chat avec qui on passe un moment agréable. Il ravira les cœurs tendres parce qu'il ne griffe pas beaucoup ( c'est au figuré parce qu'en propre dans la BD, il fait quelques dégats).

Merci au site BABELIO pour cette proposition de lecture.



jeudi 25 janvier 2018

Les vacances du petit Renard de Arthur Cahn



Attention, regardez bien , il y a un R majuscule à Renard ce qui d'emblée écarte ce premier roman d'une histoire animale bien mignonne ( mais les renards ont-ils la notion de vacances ? ). Renard est le patronyme du jeune héros, prénommé par ailleurs Paul. On aurait pu intituler l'ouvrage " Les vacances du petit Paul" mais cela renvoyait de façon trompeuse à un titre plus célèbre et fleurant l'enfance : "Les vacances du petit Nicolas".  Or, le petit Paul/Nicolas a bien grandi et on le retrouve le jour de la fête anniversaire de ses 14 ans, en plein été dans la propriété familiale campagnarde et bucolique mais paumée. Comme nous sommes en 2018, finie l'innocence. A cet âge, un surf régulier sur internet lui a appris virtuellement la vie et, même si ses parents ont toutes les apparences d'un couple moderne et ouvert, s'est fait une éducation sexuelle via Youporn. Pour le moment, c'est entouré de sa famille, en plus de ses parents une petite soeur, sa tante, elle même accompagnée d'un ami, Hervé, qu'il reçoit son cadeau d'anniversaire : un smartphone.
Cet instrument bourré de technologie jouera un rôle essentiel dans un été qui s'étire en longueur entre ennui et envie de découvertes. Paul, tout en profitant d'une nature belle et généreuse, ouvre aussi ses yeux et observe les adultes. Si ses parents marquent le pas quant à leur couple, si sa soeur reste bien trop jeune pour partager autre chose qu'une partie de "Qui est-ce ?" et si sa tante continue à patauger dans les illusions d'une célibataire casse-pied, Hervé celui qui l'accompagne, va bougrement intéresser Paul. Sa sexualité débutante mais pourvoyeuse de curiosité et portée vers les hommes, va connaître une accélération intense durant ces beaux jours, vivant un amour platonique, silencieux et  sans issue pour cet homme, à la quarantaine bien tassée. Silencieux ? Pas tant que ça ! Grâce à une appli de rencontre, camouflé derrière un profil inventé, il pourra mettre des mots sur ses désirs mais aussi en apprendre plus sur cet homme.
C'est devenu une constante depuis quelques années, les amours actuelles en littérature, mais aussi au cinéma, se renouvellent grâce aux applications que sont Tinder ou Grindr ( pour ne citer que de celles qui ont les honneurs des romans). Le virtuel entre de plain-pied dans le marivaudage contemporain.
Mais  "Les vacances de petit Renard" ne sombrent jamais dans la facilité d'un outil permettant toutes les outrances. Le roman préfère explorer la psyché de ce jeune garçon, s'intéresser à cette génération où l'approche de la sexualité se fait de façon beaucoup plus frontale, mais aussi s'attarder très justement sur l'entourage et sur cette campagne dont le paysage, les bruits, les couleurs participent pleinement à cet éveil. Et malgré quelques crudités dues au type des relations décrites, le roman développe une très jolie musique, peignant avec une grande justesse ce temps estival où tout le monde se reconnaîtra. Et quand viendra l'heure de repartir, Paul ne sera plus le même, les ailes déjà un peu brûlées par la violence des sentiments et la dureté d'un premier amour dont les contours seront caressés au plus près.
Arthur Cahn semble posséder bien des talents. Ce premier roman, vraiment très réussi, marque une belle entrée en littérature. On y sent un vrai regard, une facilité d'écriture évidente. En ce moment, après quelques courts métrages déjà primés, il prépare un premier long-métrage : "La douceur humaine" (dont le scénario fut lu lors du dernier festival Premiers Plans d'Angers par Jérémie Elkaïm) sur un thème qui ne laissera pas indifférent...  Assurément un auteur qui va être doublement intéressant de suivre.

La bande son idéale de ce roman ... P J Harvey, que Paul écoute beaucoup cet été là ! 

mercredi 24 janvier 2018

The greatest showman de Michaël Gracey


Dans le sillage de " La la land", j'ai bien l'impression que dorénavant, chaque mois de janvier, nous verrons débouler sur les écrans une comédie musicale étatsunienne dont le seul véritable lustre sera de briller dans une liste de nominations aux Golden Gobles, ou mieux aux Oscars.
Cette année voici donc "The Greatest Showman" avec pour toile de fond la vie de Phileas Taylor Barnum, génie du spectacle et du commerce à la fin du 19 ème siècle et qui créa le cirque gigantesque du même nom ( et sans doute quelque part l'inspirateur de ces petites toiles de tentes qui ont accueilli le troisième mariage de votre ex beau frère). Attention, ceci n'est en aucun cas un biopic, juste un prétexte à mettre en scène  joyeusement toute une bande de freaks sympas et dansants. Comme nous sommes dans le monde joyeux et édulcoré de la comédie musicale, Barnum est présenté comme un génial commerçant philanthrope qui lutte pour que les gens différents aient une belle vie...  Difficile à croire, mais, ne finassons pas, faut que le film détende et, époque de bienveillance et d'empathie oblige, délivre un message moral.
Dans " The Greatest Showman" on  y chante et on y danse, tous en rond comme sur le pont d'Avignon ( puisque piste de cirque). Cela signifie donc une caméra qui tournicote beaucoup, prise d'un folie circulaire ( pas si originale que ça au demeurant... revoyez "Moulin Rouge" et d'autres). Je vous rassure, le tournis vous n'aurez pas car la caméra s'élance aussi en l'air, voltige beaucoup et adore repartir de droite à gauche ou de gauche à droite selon l'objet que lancent les danseurs. Vous l'aurez compris la danse  filmée façon clip hyperactif, mettra votre rétine dans un état proche de l'Ohio et ne vous permettra pas d'apprécier la chorégraphie à juste mesure.... Faut dire que faire  danser des nains, des géants, des obèses, des personnes à trois jambes et deux têtes comme des Gene Kelly ce n'est point facile, alors autant jouer sur le montage. Côté stars, Hugh Jackman possède une carrure de showman plus développée que celle de Ryan Gosling l'an dernier et fait plus d'effet à l'écran. Par contre, Michelle Williams ( mais que fait-elle là ?  Elle avait besoin d'argent pour ses prochaines vacances ? ) se révèle toute aussi douée que sa consœur Emma Watson. Elle ondule et tourne un peu sur elle même dans des robes fluides parapluie. Joli effet  cache misère garanti qui est aussi  associé  à des mouvements dans la brume ou, encore mieux, filmés en travelling derrière des fenêtres.
Restent que les nombreuses chansons du film ( dont on me dit qu'elles sont des tubes planétaires!), entrent vite dans l'oreille, compositions pops qui, alignées les unes après les autres m'ont donné l'impression d'écouter le grand prix eurovision ( je parle en connaisseur, je regarde chaque année). Dans une salle de cinéma équipée d'un sol Dolby Atmos Mega Machin Truc, les basses faisant trembler les fauteuils, les pieds se voient obligés de taper le rythme avec entrain. Et quand viennent les scènes sentimentales ou dramatiques totalement sirupeuses, il nous tarde que la musique reparte.
Loin d'être un chef d'œuvre du genre, "The Greatest Showman" se laisse regarder dans trop d'ennui mais sans passion aucune. En cultivant son côté spectaculaire coloré et hystérique, il arrive à nous faire passer un moment pas trop désagréable. Mais encore faut-il ne pas détester la musique pop d'usine...



mardi 23 janvier 2018

La mort de Fernand Ochsé de Benoît Duteurtre



Non le Fernand Ochsé du titre n'est pas un personnage de roman mais un être bien réel qui a vécu dans la première moitié du XXe siècle. Inconnu du grand public, il a pourtant joué un rôle important, mais dans les  coulisses du Paris de la musique et du théâtre, surtout entre les deux guerres. Benoît Duteurtre, fin musicologue, essaie de nous retracer sa vie dans une sorte de biographie qui ressemble plus à une exofiction tellement les témoignages ou les traces de son existence ont disparu. Il en profite ( en spécialiste de ce genre tombé dans l'oubli)  pour faire revivre cette folle époque où les théâtres proposaient moultes opérettes, genre aujourd'hui remplacé par des comédies musicales à la "Notre Dame de Paris".
Fernand Ochsé fut une sorte de dandy, un peu dilettante, sans doute talentueux, très bon musicien, décorateur mais aussi renifleur de talents. Il a ainsi participé à la mise sur orbite des compositeurs comme Arthur Honneger et  Reynaldo Hahn (  chanteur aussi, mais bien oublié aujourd'hui) et inventé des décors mémorables pour des opérettes qui eurent leur heure de gloire. Cet homme ayant peur du moindre courant d'air, à l'allure romantique connaîtra une fin tragique juste avant la libération.
Ce récit lui rend un émouvant hommage et permet surtout à l'auteur de s'attarder sur ce genre  musical dont il ne subsiste de nos jours que de vagues airs encore connus pour leur côté égrillards ou coquins ( grâce peut être à l'émission de Benoît Duteurtre sur France Culture, intitulée "Etonnez moi Benoît ", clin d'oeil à Françoise Hardy au registre pourtant bien éloigné de "Félicie aussi" ou de "Sous les palétuviers"). Revit donc dans le sillage de cette évocation la vie folle des théâtres où les vedettes n'avaient qu'un surnom ( Fragson, Dranem, Misstinguett, Allibert,  Fernandel, ...) et amusaient un public parisien qui pouvait très bien s'extasier aussi pour des créations plus originales ou novatrices.
Evidemment, nous avons droit à des pages entières qui nous citent des titres et des personnalités oubliées ( sauf de quelques vieilles personnes ou de spécialistes ). Ce n'est pas ce qui est le plus passionnant, il faut bien l'avouer. Par contre l'auteur nous raconte avec beaucoup de nostalgie, la montée puis la chute de ce genre aujourd'hui bien méprisé ( d'Offenbach jusqu'à Luis Mariano ), faisant résonner pour une personne de mon âge de lointaines réminiscences du temps où mes grands-parents étaient vivants et avec, toujours en fil rouge, le fragile Fernand Ochsé. Les derniers chapitres de l'ouvrage lui sont entièrement consacrés, pages émouvantes de la mort horrible d'un homme pour qui la vie ne fut qu'une légère fantaisie pétillante et ludique.
En reposant le livre, j'ai eu l'impression de refermer un vieil album de cartes postales. Benoît Duteurtre, en plus d'avoir réussi à m'émouvoir sur le sort d'un inconnu qui ne le sera plus, aura au moins gagné sur un autre  point, participer à changer un peu l'image que je me faisais de ces années 20/30, folles et légères, mais aussi formidablement inventives, éprises de liberté et dont l'apparente insouciance fut longuement dénigrée après-guerre, comme si cette parenthèse de joie était la cause de ce qui arriva hélas par la suite.



lundi 22 janvier 2018

Les bouées jaunes de Serge Toubiana


Rude tâche pour moi ...Je vais dire du mal d'un livre à priori intouchable. Comment critiquer le récit d'un homme qui vient de perdre son épouse après presque 30 ans de vie commune, 30 ans d'un amour sincère ? Comment faire la fine bouche devant ce portrait d'une romancière que j'ai adoré, dont j'ai lu et relu toute l'oeuvre ( certes peu d'ouvrages, toujours secs et courts, sauf le dernier ) ? Suis-je donc sans cœur pour ne pas avoir été touché par ce portrait en creux d'une femme de caractère, sans doute assez magnétique ?
Non, je n'ai pas été ému par ce pourtant pudique et jamais larmoyant récit. Je ne remets pas en cause la sincérité de l'homme en deuil, et de l'insupportable vide de l'absence qu'il ressent autour de lui.
Mais cette peine, ce chagrin, cet amour désormais quasi éternel se sont trouvés, pour moi, noyés par une suffisance de bourgeois  intello. Il n'y a pas un moment où nous ne sommes privés de l'étalage de tous les attributs de nantis parisiens. On relate avec verve l'achat difficile de " la maison du bonheur", propriété située sur l'Ile-aux-Moines qu'une amie décoratrice d'intérieur va fort heureusement transformer avec soin ( on perçoit que l'on n'a pas lésiné sur les moyens). On cite longuement, on énumère la liste de ses amis proches, si émus, si forts face à la mort de leur copine, qui se sont succédés à  l'hôpital Bichat,  surtout quand il s'agit de Catherine Deneuve, Michel Houellebecq, Paulette Fourchon, Olivier Assayas et d'autres. Ben oui, quand on a des amis connus on les cite ( et même plusieurs fois). Et je ne vous parle pas de ces dîners en ville où l'on rencontre des gens forcément brillants dans la simplicité d'un restaurant branché. Tout autour de ce couple, luxe, calme, intelligence, drôlerie se battaient pour leur faire une vie agréable...
Je me suis demandé à qui s'adressait ce livre. Certainement pas au humble lecteur ( qui a pourtant comme moi dépensé 18 euros de son petit traitement ) ayant envie de retrouver encore une fois une romancière appréciée. Encore moins à une personne lambda ayant perdu un(e) conjoint(e), la tristesse de certains pourrait pourtant  être universelle, mais pas ici...
"Les bouées jaunes " est un récit de l'entre soi, écrit pour une frange de happy fews qui seront sans doute heureux d'apparaître dans un bouquin écrit par l'un des leurs. Evidemment, Serge Toubiana trace un portrait tout empreint d'admiration et d'amour pour Emmanuèle Bernheim, mais le traitement bien plus hagiographique que littéraire, rend l'ensemble un poil imbuvable.
C'est dommage, j'aimais beaucoup l'écrivaine, son mari ne m'était pas antipathique, mais "Les bouées jaunes" ne m'ont pas empêché de couler.
PS : J'ai par contre été touché par les dernières phrases du livre, les seules peut être qui osent ( enfin ) parler du deuil de cet homme. Je les cite :
" Alors je me mets sur le côté droit et je glisse mon bras gauche sous l'oreiller d'Emmanuèle. Je pose ma main là où elle n'est pas. Où elle n'est plus. Et je caresse de mes doigts son absence. "

dimanche 21 janvier 2018

Les loyautés de Delphine de Vigan


Delphine de Vigan, ce n'est plus à prouver, possède un talent évident qui confine à l'habileté. Ces derniers ouvrages la mettaient en scène et troublaient le lecteur avec son  jeu autour de la véracité du  propos qui slalomait avec virtuosité entre roman et réalité.
Pour cette dernière livraison, exit le personnage de Delphine, l'auteure plonge dans la fiction la plus pure en mettant en scène une prof de sciences dans un collège parisien, deux de ses élèves de 12/13 ans en perdition et les familles de ces derniers. L'une soupçonnant les enfants d'être en danger mais n'arrivant pas à le prouver. En gros, une façon d'aborder quelques problèmes sociétaux bien de chez nous , l'Education Nationale, les enfants de divorcés, l'alcoolisme ( fléau national dont, c'est vrai on parle moins que du chit, du tabac, du sucre, du gras, ...). Jusque là, rien à reprocher, nous sommes dans un genre qui va plaire dans les chaumières et alimenter les articles de la presse féminine, faisant en plus passer notre auteure à succès pour une fine sociologue. Pourquoi pas ? Une littérature de bons sentiments bien écrite n'est pas désagréable...
C'est vrai, le roman débute en trombe, le quotidien dans un collège offrant de belles occasions narratives. Et puis, la petite spécialité de notre écrivaine, se développe bien autour de l'ambiguïté qu'elle fait naître concernant la santé mentale de cette prof au bord du burn out professionnel voire intime. Au fil des pages, on voit passer les clichés mais si habilement dissimulés par une narration de belle allure qu'elle parvient à donner une impression de profondeur, faite pour que le lecteur s'exclame intérieurement  (" Ah oui, bien vu !"  "Oh, finement observé !). Je me suis donc laissé happer par cette l'histoire de prof justicière et incomprise et pensais que définitivement Mme de Vigan se glissait subtilement entre une Katherine Pancol trop mécanique et une ( le choix est vaste mais j'opte pour ) Alice Ferney bien plus littéraire. Mais à mi-course, patatras, Delphine, emportée par son élan, chute à cause d'un jogging  Barbie ( rose évidemment)! Mais que diable faisait ce vêtement bas de gamme dans un récit qui lorgnait pourtant vers un certain chic de bon goût ? Emportée par sa hargne à vouloir faire un roman social mais plus sûrement aussi par quelques griefs contre le personnel de l'Education Nationale, Delphine de Vigan rate la porte et s'écrase dans la poudreuse. ( Pour résumer, une prof de gym sadique punit un des héros en lui faisait porter un jogging Barbie trop petit). L'idée est flashie, assez improbable connaissant quand même le milieu  mais surtout ouvre la voie pour une seconde partie hasardeuse. Mme de Vigan se relève, sa rage ravalée, achève sa course complètement perdue, éperdue, n'arrivant plus à gérer les différents points de vue des nombreux personnages de l'histoire, le factice de l'intrigue explosant de pages en pages et optant, à défaut de réel point de vue,  pour une fin ouverte.
Dans un précédent ouvrage " D'après une histoire vraie" , Delphine de Vigan nous parlait de son manque d'inspiration qu'elle avait transformé en un thriller psychologique bien mené. On ne l'avait donc pas cru, l'angoisse de la page blanche, les idées dans les chaussettes, elle ne devait pas connaître. Je ne sais si pour écrire ces "Loyautés", elle a beaucoup galéré mais nul doute que son envie de roman social manque sérieusement d'inspiration...


samedi 20 janvier 2018

Festival Premiers Plans d'Angers,...la fin



Et voilà, le festival touche à sa fin et, pour moi, cette 30éme édition, fut une réussite tant au niveau de la programmation ( compétition et rétrospectives) qu'au niveau de l'ambiance ( Catherine Deneuve, visiblement enthousiaste lors des projections, étant la cerise sur le gâteau). Que ce soit au niveau courts qu'au niveau longs, les œuvres présentées cette année sont toutes porteuses d'un regard ou singulier, ou intéressant sur le monde qui nous entoure ou sur le cinéma par lui-même. Un premier bon signe pour une année 2018 plus fastueuse que la précédente ? On l'espère. Berlin puis Cannes nous donneront vraiment la tendance.
Ces trois derniers jours nous ont permis de découvrir les six derniers films en compétition. Pour ma part, aucun ne détrônera mes favoris vus en début de semaine même si "Tesnota, une vie à l'étroit" du russe Kantemir Balagov possède énormément d'atouts pour séduire le jury ( Catherine a vraiment beaucoup applaudi le film), sa sordide histoire de kidnapping dans une communauté juive repliée sur elle même dans le Caucase du Nord et surtout sa réalisation étouffante a laissé une très forte impression sur le public ( malgré un filmage numérique aux éclairages façon " Plus belle la vie"). Mais ni l'initiatique et fort beau " Valley of shadows" du norvégien Jonas Matzow Guibrandsen, ni le très singulier, à la lenteur onirique "Les versets de l'oubli " de Alireza Khatami ne me semblent taillés pour accéder aux faveurs du jury, "Sparring" de Samuel Jouy avec Mathieu Kassovitz en boxeur (gringalet), "Cured" l'ambiguë film de zombies de l'irlandais David Freyne et " Broers", périple qui finit par s'égarer un peu du néerlandais Bram Schouw ne semblent pas en mesure de concurrencer quelques concurrents beaucoup plus aboutis.
Si je devais faire une petite constatation toute personnelle, je noterai que, à la suite de la palme d'or suédoise du dernier festival de Cannes, il va falloir être très attentif à tout ce cinéma qui nous vient de Scandinavie. Il fait preuve d'une réelle vitalité tant artistique que créative. Les longs métrages danois et  norvégiens mais aussi les courts ont tous démontrés leur formidable sens de l'innovation et se sont révélés très surprenants. Et pour peu que l'on soit allé faire un tour à la rétrospective des films d'animations scandinaves, on est désormais certain que l'imagination est au pouvoir dans ces pays où les nuits sont forts longues l'hiver.
Je ne sais pas qui sera récompensé demain soir, mais je me lance et vous donne mes préférés ( on verra bien si mes goûts sont ceux des différents jurys...)
Longs-métrages : "Les garçons sauvages" de Bertrand Mandico ( France)( et il certain que vous en entendrez parler dans les semaines qui viennent) et "The rules of everything de Kim Hiorthoy ( Norvège)
Courts- métrages :  beaucoup de très bons films... alors, j'en choisis quatre...
- Le formidablement sensible " Passée l'aube " de Nicolas Graux ( Belgique)
- Le très singulier " Skuggdjur" ( Shadows animals) de Jerry Carlsson ( Suède)
- Le drôle et décalé " Cajou" de Claude Lepape ( France)
-L'hilarant et néanmoins très émouvant " Retour à Genoa City" de Benoît Grimalt ( France)
La plupart de ces courts-métrages peuvent être visionnés gratuitement  sur le site festivalscope.com jusqu'au 31 janvier 2018!
Et dans la catégorie films d'école ( mais là je n'ai pas pu tout voir), j'ai adoré "Gabi" de l'allemand Michael Fetter Nathansky, remarquable portrait d'une jeune femme carreleuse en bute avec sa famille et sa vie.

Une seule conclusion : vivement l'an prochain !

PS (rajout du 21/01): Les jurys ont rendu leur verdict ! Si mes favoris ne sont pas tous à l'arrivée, rendons honneur à leurs jugements. Le grand  prix ex aequo n'est pas étonnant. Il s'est vu dans la salle la ferveur de Catherine Deneuve pour le film russe "Tesnota, une vie à l'étroit", rude long-métrage extrêmement maîtrisé  qui fait un très beau gagnant mais ils n'ont pas laissé passer la Scandinavie qui a illuminé ce festival par sa créativité. C'est tombé sur le très rude film danois "Winter brothers" nimbé d'ajouts avant-gardistes ( tant au niveau cadrage que bande son ). Le choix est pertinent même si j'aurai préféré le très singulier film suédois " The rules of everything", peut être encore plus novateur dans sa narration. On notera que le Danemark sort grand gagnant de cette semaine de premiers films européens puisque deux courts-métrages locaux figurent eux aussi au palmarès... Je vous le disais, il y a un souffle formidable qui vient du Nord !


Les deux jurys ( court et long) avec le délégué général. 

vendredi 19 janvier 2018

La ballerine aux gros seins de Véronique Sels


Le titre, un peu racoleur, laissait présager un roman comique, impression accentuée par le dessin de couverture, joliment minimal, presque cartoonesque. Quand on plonge dedans,  il s'agit d'une toute autre histoire. En gros, Barberine l'héroïne aime la danse comme nombre de petites filles. Les tutus, les chaussons roses Repetto la font rêver comme d'autres les dauphins et les chevaux. Elle s'imagine sylphide, légère et bondissante. Pas de chance, le monde de la danse classique est impitoyable, son carcan n'admet pas les gros seins ...comme ceux qui pointent désormais sur le buste de notre héroïne. Heureusement, la danse contemporaine, plus libre, moins formaliste va lui permettre d'essayer de vivre sa passion de la danse.
Traité plutôt sur un mode dramatique, le récit court sur une vingtaine d'années, des premiers pas dans un cours de danse lambda jusqu'au New-York des chorégraphes contemporains et de la maternité de l'héroïne. Pas de quoi fouetter un chat niveau romanesque, sauf que, pour pimenter le récit, et sans doute faire preuve d'originalité, l'auteur double chacun de ses chapitres par un "bis" . Et ce bis, est un peu comme une suite de l'histoire mais vue par les deux seins de Barberine, bizarrement nommés Dextre et Sinistre. Cela aurait pu être  sympa, sauf qu'ici cela ne fonctionne pas du tout. Autant le récit de la jeune fille peut intéresser ( quelques jolis paragraphes sur la danse et la découverte de sa version contemporaine), voire toucher, autant l'autre partie, totalement artificielle, ampoulée, devient totalement agaçante par l'emploi ininterrompu d'énumérations. Les deux mamelles, malgré leur vocabulaire fourni,  n'évitent pas les clichés (l'absence de forme, leur poussée, la chirurgie esthétique, ...) et subissent les errements de leur propriétaire en pleurnichant sans qu'ils aient eu de ma part la moindre compassion.
On peut me rétorquer que ce sujet est essentiellement féminin, que moi, homme, je ne peux voir que l'aspect érotique de ces seins offert à ma curiosité, biaisant peut être ma lecture ... C'est réducteur, comme réduire une femme à la grosseur de ses seins ou un homme à la taille de son pénis.  En tant que lecteur, je n'y ai lu qu'un essai un peu raté de vouloir raconter une histoire avec originalité. Hormis l'effet d'annonce, le roman peine à convaincre par manque de lien entre les deux narrations.

Roman lu dans le cadre de Masse Critique de Babelio

mercredi 17 janvier 2018

Festival Premiers Plans 30 ème ...la suite





Vent de folie lundi à Angers ... la météo n'était pas clémente et les parapluies s'envolaient sous les bourrasques. Et ce vent avait gagné la grande salle du palais des congrès où allait avoir lieu la présentation du jury de ce trentième festival. Bondée comme jamais, la salle bruissait d'impatience, commentant déjà la venue de la présidente de ce jury : Catherine Deneuve. Comme l'attente fut un peu longue, les bavardages allaient bon train,  la star se trouvant au centre d'une actualité polémique ( heureusement un peu désamorcée par une lettre publiée le jour même dans Libération). Les avis divergeaient allant de la défense inconditionnelle à des propos plus graveleux de certains mâles sur la conduite qu'ils auraient s'ils croisaient notre icone nationale dans un couloir ( du palais...y'a pas de métro à Angers...). Avec presque une heure de retard, le jury a fini par entrer dans la salle et s'installer à sa place sous les flashes des photographes mais aussi des centaines de portables qui n'auraient pas voulu rater pareille aubaine. Petite originalité cette année, le jury n'est pas monté sur scène, nous nous sommes contentés d'un petit coucou de la main depuis leur fauteuil... Peur des sifflets de la part de la présidente ? Je ne sais. En tous les cas, elle a eu tort car elle fut acclamée ( mais Agnès Varda, présente elle aussi, fut longuement ovationnée) et il n'y eut aucun sifflet. On sait faire la part des choses à Angers...
Mais ce qui nous intéresse ici, ce ne sont pas ces figures de légende du cinéma mais plutôt les jeunes talents à découvrir. Pour cette séance de gala, nous fûmes projetés en Ukraine dans un long-métrage que sa réalisatrice a qualifié de "quiet" ( tranquille). Et pas un vain mot. Ce fut tranquille, peut être même un peu trop. Malgré une formidable et magnifique jeune actrice, Dasha Piahtiy , "Strimholov" de Marina Stepanska qui brosse le portrait de jeunes adultes cherchant à se faire une place dans une société hébétée par la guerre et l'alcool, a un peu peiné à passionner une salle attentive et attentionnée.
Nous étions nettement moins nombreux à la séance suivante ( les invités et le troisième âge se couchent tôt !) pour le film danois "Winter brothers" de Hlynur Pàlmason, œuvre froide et grise se déroulant dans une mine en hiver et dans les Algeco glauques prêtés ( ou loués ) aux ouvriers. Sur fond de mésentente  fratricide et d'alcool frelaté, le réalisateur construit un véritable pont entre ces installations vidéos que nous proposent les musées d'art contemporain et le cinéma. Une certaine beauté plastique teigneuse et hyper réaliste irrigue ce film rude et prenant.
La journée de mardi fut consacrée ( pour moi qui n'avait pas choisi de revoir des œuvres du patrimoine)  à une palanquée de courts métrages dont je peux dire qu'ils semblent plus prometteurs que l'an passé ( mais l'année 2017 n'était-elle pas au niveau cinéma assez moyenne? ) . La compétition s'est poursuivie le soir avec tout d'abord ( et en présence de Catherine, pas du tout en retard ) un film luxembourgeois ( oui, il existe un cinéma luxembourgeois !) , Gutland de Govinda Van Maele, chronique noire, campagnarde lorgnant vers le thriller, sur les thèmes de la transformation ou de l'intégration dans une société fermée. La longue et hésitante mise en place de l'histoire est tout juste rattrapée par un final un peu plus prenant, sans pour autant m'enthousiasmer ...loin de là.
C'est un peu dépité, mais plein d'espoir que je me suis installé pour le dernier film du jour de la compétition, le film norvégien "The rules for everything" de Kim Hiorthoy.  Et là, bingo encore un choc esthétique et cérébral ! De l'humour, de la finesse, un peu d'absurde, la mort, la vie, les marchands de bonheur, une petite fille philosophe, le deuil, l'amour, l'humour, tout se côtoie, se mélange dans ce long métrage totalement bluffant par ses points de vue, sa construction, ses plans décalés, son montage original. Même si une petite baisse de régime se fait sentir à l'amorce du dernier  tiers, ce film fut une bouffée d'oxygène dans une sélection comme souvent plombante. Et encore une fois, on retrouve dans ce cinéma scandinave l'apport des plasticiens et autres créateurs du milieu artistique contemporain qui donne un souffle nouveau à un cinéma innovant et fichtrement intéressant.
Je ne sais pas comment sera la suite de la sélection, mais à Angers, les bons films passent à 21h45. Alors, je m'adresse à Catherine ( oui, elle lit mon blog !) , si vous voulez voir un bon film en soirée, loin de cette foule curieuse  aux regards insistants, honorez-nous de votre présence à la dernière séance, votre amour du cinéma sera récompensée.






lundi 15 janvier 2018

Festival Premiers Plans d'Angers, 30 ème !


C'est le trentième numéro d'un festival qui n'arrête pas de devenir un rendez vous de plus en plus incontournable pour toute une génération de jeunes créateurs européens mais aussi pour les spectateurs qui se ruent en masse à toutes les projections. Il faut dire qu'il est gâté le public avec des rétrospectives Agnès Varda, Pedro Almodovar, les Monthy Python, Kornel Mundruczo et une remarquable sélection d'oeuvres autour de la famille. Ainsi, on a pu revoir hier "Le souffle au cœur" de Louis Malle( 1971) où l'on a constaté que si les ados d'aujourd'hui sont nettement meilleurs à l'écran, il est beaucoup moins certain par contre qu'en 2018 on y aille aussi franco contre la famille, les religieux et la représentation du corps nu adolescent à l'écran.
Le festival c'est aussi une compétition de premiers longs métrages et une sélection de courts métrages tous européens ( France comprise bien sûr!).
Pour les courts métrages, deux sélections ont été proposées ( et j'en ai raté une !!!). Dans le premier programme français, très éclectique, je noterai "Déter" de Vincent Weber, sorte de "Pauline à la plage" version Grau du Roi et banlieue lyonnaise très réussi, comme si Eric Rohmer avait passé sa vie dans le 9-3.
Côté longs-métrages, quatre films ont été projetés : un italien et trois français. "Il figlio, Manuel" a ouvert la compétition samedi nous plongeant dans un film social qui montre bien que Dario Albertini vient du documentaire. Malgré déjà quelques prix dans d'autres festivals, le film ne m'a pas vraiment convaincu. Par contre les trois films français présentés ensuite ont tous les trois été des chocs pour les spectateurs. Le premier " La nuit a dévoré le monde" de Dominique Rocher qui se situe dans un Paris occupé par des morts vivants a fait sursauter plus d'une fois les spectateurs de leur siège. Mais le réalisateur s'écarte très vite de ce fond gore trop genré pour nous livrer un film étonnant plastiquement, magnifiquement interprété par Anders Danielsen Lie et un étonnant Denis Lavant dans un rôle muet.
Hier, la salle est ressorti sur les nerfs mais émue de "Jusqu'à la garde " de Xavier Legrand qui avait déjà impressionné à Venise cet automne ( et ramassant quelques prix) avec un drame social autour du divorce et du harcélement;
Mais pour moi, le plus grand choc est venu de "Les garçons sauvages" de Bertrand Mandico, film inclassable qui n'a laissé personne indifférent ( avec des emballés mais aussi, comme souvent lors d'une proposition hors norme, des réfractaires ). C'est une sorte de conte cruel lyrique, sexuel et d'aventures, une proposition esthétique magnifique avec un noir et blanc somptueux, racontant le redressement de cinq jeunes bourgeois en rupture de ban, pris en main sur un rafiot par un capitaine hollandais étrange. Les cinq garçons sont joués par cinq comédiennes bluffantes ( dont Vimala Pons extraordinaire). Il y a des décennies que je n'ai pas vu un film français osant un tel univers avec une telle maîtrise visuelle et scénaristique. Sa sortie est annoncée pour la fin février ...on en reparlera !

Et comme le temps est compté, j'arrête là mon bavardage et file à une leçon de musique et de cinéma avec Axelle Ropert, car le festival d'Angers, c'est aussi plein de rencontres passionnantes qui sont, rappelons-le, toutes ouvertes au public !



mercredi 10 janvier 2018

Normandie nue de Philippe Le Guay


Un comédie française narrant l'aventure collective d'habitants d'un village normand posant nu pour un artiste américain, laissait craindre un film égrillard, peu finaud et jouant sur le côté racoleur de la nudité. L'affiche, avec son NUE ( au féminin) en grand caractère (alors que ne sont représentés que des hommes habillés) joue d'emblée le côté voyeur du spectateur qui est prêt à tout pour voir une fesse et même des poils pubiens ( puisque ce n'est ni un film japonais ni un film américain). Et bien raté ! Si le film ne décolle jamais, il arrive tout de même à slalomer entre les clichés en évitant la nudité complaisante ou présentée avec des vases ou des objets variés pour cacher les sexes. D'ailleurs, la scène d'introduction, évacue tout de suite le problème avec des personnes nues frontalement et réellement lambdas. Le corps sans vêtements, qui est le cœur de l'histoire, ne soulève que des questionnements attendus mais traités sans trop de lourdeur. On pourra reprocher pas mal de choses au film mais pas sa vision et sa représentation du corps nu  ni une évocation facile et réductrice de l'art moderne car tout juste effleuré ( ouf pas de propos de comptoir !).
Ce qui pêche par contre, c'est tout le reste. A savoir, un scénario mal fichu, courant après plusieurs sous histoires d'une banalité extrême ( une histoire d'amour, un parisien bobo vivant à la campagne, la vente d'un magasin de photos, une vieille histoire de champ façon Jean de Florette), des comédiens tous un peu en roue libre ( même si François Cluzet développe une belle énergie en maire du village instigateur de la photo) et une réalisation mollassonne qui aurait mérité de se lâcher un peu. C'est poussif et finalement, malgré des thèmes plus sociaux comme le malaise paysan ou l'écologie ( mais là aussi aux propos très convenus),  on finit par s'ennuyer ferme. Même la photo finale avec les villageois en tenue d'Adam n'arrive pas sortir le spectateur de sa torpeur, il fait juste lever ...le camp car, enfin, on peut quitter ce joli village de l'Orne ( cela ne se situe pas dans la Sarthe comme dit un peu partout...) .
Donc, je résume : si vous voulez vous rincer l'œil, c'est raté ! Rire ?  C'est raté aussi car toute blagounette placée est du niveau Carambar. Je l'ai toujours dit, se promener nu en Normandie, c'est difficile, le temps n'est pas toujours très doux.... Alors, allons voir ailleurs ...


mardi 9 janvier 2018

Le réconfort de Pierre Daymé



Quentin. C'est le personnage central du roman. On le rencontre à Malmö. Il fuit l'appartement de Kristian. Le narrateur le croisera plus tard en Corse. Un soir, ils partageront un lit. Et puis la vie passe comme les très nombreux amants consommés grâce à une application mobile. La vie est joueuse. Elle remettra ces trois protagonistes en relation. Pour le meilleur ? Pas sûr !
Nonchalamment, "Le réconfort" nous invite dans ces trois vies. Au départ on pense que c'est peut être l'histoire d'un chagrin d'amour, puis non. Peut être une histoire d'amour ? Pas plus. Le roman semble se diriger vers un portrait générationnel d'hommes consommant du sexe à tout va. Non plus. Au fur et à mesure que nous avançons, la mélancolie sous-jacente du départ devient plus présente. Quentin apparaît alors comme un regret, comme un amoureux que l'on a laissé filé, comme quelqu'un de fuyant, de fugace mais que l'on ne peut oublier, comme quelqu'un qu'on aurait pu mieux aimer, pour qui on aurait peut être dû s'extraire de cette routine de consommé/jeté.
La consommation d'objets et/ou de corps, palliatif à cette solitude ultra contemporaine,  fait passer à côté de l'essentiel nos héros qui évoluent éperdus dans cette cage de verre qu'est cette vie mondialisée. De Berlin en passant par la Bretagne, la Corse et la Suède, nous les voyons s'enfoncer, inéluctablement. L'écriture en demi-teinte donne une certaine distance au texte, comme si en appuyant un peu trop sur ces blessures, l'auteur avait peur de la douleur. Peut être y-a-t-il une part autobiographique... je ne sais. J'y ai pensé...
Je ne suis pas totalement convaincu par ce premier roman, fragilisé par une narration simple et peu empathique. Reste quelques jolis moments d'écriture avec notamment des passages qui touchent juste, comme ces deux hommes ensemble  ( " Nous faisons l'amour comme on pleure le corps d'un enfant qui n'a peut être jamais existé -un désir d'enfant. Nous faisons l'amour comme un couple essaie d'oublier sa stérilité et espère encore. ")  ou cette simplissime description d'une plage méditerranéenne : " L'absence de vent et de marée figeait le paysage. La mer était plate. Elle allait et venait doucement, sans s'aventurer au-delà de la ligne nacrée qu'elle avait déposée sur le sable, comme une berceuse murmurée. Chaque heure s'écoulait, identique à la précédente." ( l'auteur nous parle ici, d'une petite plage Corse, pas de Palavas les flots ou Cannes!).
Oui, il y a un joli talent qui se cache derrière cette histoire un peu atone, un peu léthargique voire un poil réservée à un lectorat gay... Attendons un nouveau roman pour nous faire une meilleure idée.

lundi 8 janvier 2018

Couleurs de l'incendie de Pierre Lemaitre


Je l'attendais cette suite à " Au-revoir là-haut". Même si l'habileté romanesque n'est plus à prouver pour Pierre Lemaitre, une légère baisse de forme après un grand succès pouvait être redoutée.
Mais dès les premières pages,  j'ai été embarqué dans un tourbillon romanesque, valable même si l'on n'a pas lu le premier épisode, à la fois drôle ( voire un peu loufoque avec sa première scène où l'on se demande si Albert Dupontel n'a pas inspiré l'auteur), mordant, vif. La petite histoire se mélange avec bonheur à la grande. Nous sommes à la fin des années 20. La France rebondit d'affaires politiques véreuses en affaires financières  troubles, sur fond de crise économique à venir et de montée du nazisme chez nos voisins allemands. Et au milieu, Madeleine, l'héroïne, va connaître le déclassement social en même temps que le malheur suite à la filouterie de quelques uns. Dis comme ça, vous vous attendez à du Zola, mais rassurez-vous c'est de l'Alexandre Dumas de la plus belle eau que vous découvrirez,  avec, une fois touché le fond, un grand désir de vengeance de la part de l'héroïne. Les pages se tournent sans que l'on s'en aperçoive... La première partie du roman, totalement bluffante de rythme et de rebondissements, nous laisse avide de connaître la suite....
... qui se déroule quatre ans plus tard.... et qui après ce départ flamboyant patine légèrement. Les rouages de la vengeance relevant d'une autre stratégie d'écriture, le mélange suspens et
 Histoire fonctionne un poil moins bien. De plus, et là c'est personnel, j'ai eu beau éprouver de l'empathie pour cette pauvre femme lésée, mais sa vengeance qui flirte franchement avec l'illégalité traîne un parfum un peu amer pour moi ( du Kill Bill avec moins de sang). Toutefois, elle ne se venge que de fripouilles politiques , médiatiques ou industrieuses, qui n'ont que ce qu'ils méritent. Et même si j'ai sans doute un esprit moins anar que l'auteur ( qui n'hésite lors de sa promo de faire des discours bien sentis sur nos riches ), anarchisme que l'on retrouve d'ailleurs dans un des personnages clef de la deuxième partie, une chose est certaine, j'ai eu vraiment envie de savoir comment les salauds aller payer leurs forfaits.
Je ne vous ai volontairement pas dit grand chose de l'histoire, uniquement pour ne pas vous enlever le plaisir de la découverte. Il est certain que ce roman, malgré mon très très léger bémol,  rencontrera un gros succès car, dans un genre grand romanesque, on aura du mal à trouver mieux. Pierre Lemaitre prouve une fois de plus qu'il est un fabuleux raconteur d'histoires, maniant avec brio une intrigue de haute volée qui, si vous y plongez dedans,  vous entraînera jusqu'au bout de la nuit.




jeudi 4 janvier 2018

Le lion est mort ce soir de Nobihuro Suwa


Jean Pierre Léaud n'en finit pas de mourir à l'écran. Après "La mort de Louis XIV", voici encore un film où l'acteur tournicote autour de la mort, n'ayant cette fois-ci qu'un personnage devant la simuler.
C'est sans doute grâce à tous ces symboles sentant le sapin ( le césar d'honneur en 2000, une palme du même bois en 2016), que dorénavant on ne l'envisage plus que jouant avec la grande faucheuse.
Jouer est un bien grand mot pour Jean-Pierre Léaud qui n'est souvent que lui-même, sa personnalité vampirisant toute tentative de composition. "Le lion est mort ce soir" ne déroge pas à cette constatation, même s'il s'appelle sobrement Jean dans le film, c'est le comédien que l'on voit se déplacer difficilement, la bouche tremblotante mais l'œil toujours aussi vif. Il faut l'avouer, hormis l'émouvante impression que nous procure cet homme vraiment vieillissant, le film reste par ailleurs un OFNI ( Objet Filmique Non Identifié). Ce mélange de cinéma d'auteur et de recherche, jouant les citations, s'essayant à quelques filiations hasardeuses autour du cinéma, du théâtre, de la jeunesse, de la vieillesse et des fantômes du passé ne peut s'accompagner que par la prise avant la séance de huit expressos bien serrés sous peine de sombrer dans un sommeil ( pas éternel je vous rassure). D'ailleurs, par trois fois durant la séance, nous avons dû secouer deux spectateurs dont les  ronflements à réveiller un mort signifiaient bien que l'œuvre se classait d'emblée dans une catégorie dans laquelle on ne risquait pas d'apercevoir la frimousse joviale de messieurs Boon ou Clavier.
Avec ses nombreuses scènes, peut être improvisées, où des enfants tournent un film dans une vieille maison abandonnée dans laquelle Jean (Pierre Léaud) s'est réfugié et devient leur star d'un improbable tournage ( voyez le coup de coude signifiant),  le film traînasse pas mal, l'empathie quasi charitable que l'on éprouve pour l'acteur principal ne suffisant pas à meubler le vague scénario naît de l'envie folle du réalisateur d'avoir l'acteur mythique devant sa caméra. On perçoit parfois, noyée dans de pénibles scènes enfantines ( hé oui, ici les mômes ne crèvent pas l'écran) l'intention intello de l'auteur, mais ni la touche poétique qui affleure par moment , ni la tendresse de son regard ne parviennent à accrocher le spectateur. Reste une jolie et émouvante scène de fin, bel hommage au cinéma et à une figure légendaire du septième art.


mercredi 3 janvier 2018

Le grand jeu de Aaron Sorkin



Voici un film qui semble sortir à point nommé après l'affaire Weinstein et le questionnement autour de l'image de la femme dans le monde et au cinéma.  Imaginez une héroïne intelligente, belle, qui réussit dans un monde d'hommes sans avoir à offrir son corps. Vous l'avez rêvé ?  Hollywood l'a fait ! Woaw,  la bonne nouvelle ! Précipitons-nous vite dans une salle projetant le film ! Ne nous emballons pas toutefois. "Le grand jeu" n'est pas une curiosité à ce point. Molly Bloom, l'héroïne du film a beau diriger de main de maître un tripot clandestin réunissant que des hommes fortunés et de pouvoir et si elle paraît se rajouter à la longue liste de consœurs qui ont eu droit à un traitement équitable à l'écran, il reste à prouver qu'il y ait une once de féminisme là-dedans. Certes la publicité autour du film essaie de nous vendre une femme forte mais au final le film ne se démarque en rien de la production habituelle de ces supposés grands films qui déboulent sur nos écrans à l'approche des Oscars et du rôle de la femme
"Le grand jeu" est une sorte de biopic sur une organisatrice de parties de poker où des millions de dollars s'échangent lors de parties secrètes et clandestines. Comme la marque de fabrique du réalisateur / scénariste  Aaron Sorkin reste les grands dialogues soi-disant rythmés, nous n'y coupons pas, tout comme à son autre péché mignon : la voix off qui narre l'histoire. Si les échanges entre spécialistes du poker apparaissent parfois un peu obscurs, la voix de Jessica Chastain possède l'avantage de nous garder éveiller et de ne pas nous faire perdre le fil de l'histoire, histoire par ailleurs platement illustrée comme un bon téléfilm  et rythmée comme toute série présentable.  Côté réalisation rien de nouveau donc surtout que l'on nous ressert cette morale bien US de la "winner" dont la gagne irrigue le sang depuis l'enfance. Et la gagne aux States ça paye ! Si on chute, on se relève, encore plus forte ! Et si par hasard on flirte avec le délictueux, c'est toujours avec une belle honnêteté ! ( Si, si, si, Molly Bloom, fort sympathique, déroule sa longue liste de vraies valeurs à longueur de film). Et si on  tique quand même un peu ( parce que bon le poker clandestin, c'est pas bien ), on se réfugie dans la justification psychologique de bazar et surtout bien pensante. En gros, si la petite chérie de son papa a un peu dévié du droit chemin, c'est parce qu'elle savait inconsciemment que son pôôpa avait trompé sa mère ! (Ah ces hommes ! ) . Bref, malgré les apparences,  rien de nouveau sous le soleil hollywoodien...
Le seul intérêt du film reste sans doute sa vedette féminine, celle qui a supplanté dans nos magazines féminins Jennifer Aniston ( Qui ça ? ) : Jessica Chastain, femme forte qui, hélas, n'échappe pas aux  stéréotypes habituels. Superbement rousse, arborant au moins une centaine de robes différentes et toutes généreusement décolletées, elle joue les femmes fatales mais froides avec un vrai charisme, c'est indéniable. Superbe à l'écran, tous les mecs riches qui tapent du carton dans son tripot apparaissent à ses côtés comme de vulgaires cageots. Glamour jusqu'au bout de la verroterie Chanel qu'elle arbore ostensiblement, elle sera doublement punie, d'abord par le FBI ( normal,...  mais pas trop quand même) mais surtout par son intelligence car elle n'aura droit à aucune liaison dans le film, même pas un(e) ami(e).
Les clichés sexistes ont donc la vie dure et ce n'est pas "Le grand jeu" qui les éliminera.





mardi 2 janvier 2018

Laisse tomber les filles de Gérard de Cortanze



Parfois, en tant que lecteur, il nous vient de drôles de pensées. Ainsi, en reprenant pour la énième fois " Laisse tomber les filles" ( oui, sans jeu de mot, et pour me mettre au niveau de ce roman, il m'est tombé plusieurs fois des mains ) j'imaginais sans peine un directeur littéraire de chez Albin-Michel convoquant dans son bureau Gérard de Cortanze ( Prix Renaudot 2002 ) et lui disant :
- Bon coco, "Zazous " ( le précédent ouvrage de l'auteur sur ce mouvement de mode des jeunes des années 40) a bien marché, et si tu t'attaquais aux yéyés ?
- Heu, tu crois pas que c'est un peu facile ?
- Ecoute bichon, on va célébrer les cinquante ans de 68, un roman sur cette jeunesse qui a fini par jeter du pavé et foncer dans la marijuana et l'amour libre, ça va faire un carton !
- Ah ? T'es sûr ?
- Mais oui Gégé !  Et toi tu vas nous trousser ça avec ta verve habituelle.  En plus tu as l'âge idéal, à l'époque, tu as flirté dans les surprises-parties sur les tubes de Mike Brant...
- Heu ...mais Mike Brant, c'est après les yéyés...
- Peu importe, Mike Brant, Johnny Hallyday ou Carlos, tu me fourres du yéyé dans une histoire plus sexe que Jules et Jim et tu es sûr de faire l'émission de Ruquier ...et qui dit Ruquier dit ...dit....
- ...? Télé ?
- Succès Gerry ! Succès !
- Moi ça me branche moyen ce truc ...surtout que j'aimerai bien entrer à l'Académie française et parler de Sheila et de France Gall, je ne suis pas certain que cela m'aide beaucoup...
- Parfois mon Gérard, il faut savoir écouter son éditeur. Y'a plus que les gens de ton âge qui lisent et les yéyés, c'est leur jeunesse.  La nostalgie ça marche à plein tube chez les presque séniles ! Un carton tu vas faire, crois- moi ...
- Mais tu sais moi, les années 60 je les ai à peine vues, j'étais enfermé chez les Jésuites !
- Mais tu vas te documenter et puis...tiens regarde...je te fais un à valoir...
-... Ah oui.... ben écoute.... je crois que ... que...  je vais le faire alors...

C'est un rêve bien sûr.... Mais la lecture de "Laisse tomber les filles" fait irrésistiblement ( S Vartan 1968) penser à une petite cuisine éditoriale vite faite, moyennement bien faite. En gros vous avez un bouquin genre " les années 60 pour les nuls", bourré d'infos, de titres de chansons, de films, d'actualités rétros, dans laquelle on a plaqué une improbable histoire d'amitié/amour entre une fille et trois garçons ( supposés dans le vent). S'il ne manque aucune couette, aucun blouson de cuir, aucun collant, aucune chaussette noire, le roman, lui, manque sérieusement de charme et surtout de crédibilité. Histoire de bien balayer toutes les tendances ( et surtout ne rien oublier dans cet inventaire ), un des héros, cinéphile pointu lis et relis le scénario de " la collectionneuse" d'Eric Rohmer tout en écoutant avec délectation "Z'avez pas vu Mirza" ! Le pompon revient aux dialogues entre ces jeunes gens, improbables échanges qui finissent par devenir hilarants tellement ils sonnent faux,  servant uniquement à faire passer des infos sur l'époque. Ainsi on peut déclarer son amour tout en glissant le pourcentage de femmes ayant reçu un diamant de la part de leur amoureux ! On peut aussi apprendre que le jeu préféré des garçons dans un bar est de jouer au jeu des onomatopées ... Je dis : "Da dou ron ron " et tu réponds : Sylvie Vartan ! Ce qu'on savait s'amuser dans les années 60 ! Ou mieux encore on décuple un orgasme en réussissant à glisser le nom de Dany Logan dans une scène de sexe ( fallait y penser...mais citer Dany Logan est-ce vraiment indispensable ? ).
Bref, en alignant inlassablement actus, titres de chansons, de livres, de films et artistes de l'époque, "Laisse tomber les filles" ne ressemble pas à grand chose, surtout pas un roman. C'est juste une sorte de compilation sans grâce et sans âme. Pour moi la nostalgie n'a absolument pas joué...

Merci tout de même à Babelio de m'avoir fait découvrir ce roman.

Et j'ai également découvert une chanteuse yéyé qui m'était inconnue ( comme quoi j'ai appris des choses dans ce livre...exhaustif) : Gillian Hills et dont je ne résiste pas au plaisir de vous mettre le scopitone de son tube : "Zou, bisou, bisou"